LE VIÊT-NAM ET L'IRAK



Viêt-Nam - Chronologie

En quoi la guerre d'Irak est-elle comparable à celle du Viêt-Nam ?

En quoi est-elle différente ?



On a souvent comparé le bourbier américain en Irak à la débâcle survenue au Viêt-Nam trente ans plus tôt. Ces deux guerres sont-elles comparables ? En quoi se distinguent-elles ?



VIÊT-NAM - CHRONOLOGIE

  • 1859 :
    Les troupes françaises de Napoléon III occupent Saïgon et la Cochinchine (le sud du Viêt-Nam actuel). Raisons invoquées : "protéger les chrétiens persécutés, apporter la civilisation et favoriser le commerce." On voit que les "arguments" des colonialistes n'ont pas beaucoup évolué en 150 ans, même si l'on préfère aujourd'hui parler de "liberté", de "démocratie" et de "lutte contre le terrorisme".

  • 1863 :
    Napoléon le Petit annexe le Cambodge et en fait un "protectorat" français.

  • 1866-83 : Conquête de la partie centrale de l'actuel Viêt-Nam (Annam) et de la partie nord (Hanoï et Tonkin).

  • 1887 : Les régions conquises sont rassemblées dans ce que l'on appelle l'Indochine française.

  • 1893 : Conquête du Laos que l'on rattache à l'Indochine française.

  • Septembre 1940 : Le Japon occupe l'Indochine. Les militaires et fonctionnaires français fidèles à Pétain se retrouvent sous tutelle japonaise. Les autres rejoignent de Gaulle et la France libre.

  • 1941 : Création de la Ligue pour l'indépendance du Viêt-Nam (Viêt-Minh), sous la direction de Hô Chi Minh, un dirigeant communiste vietnamien ayant assez longtemps vécu en France (il a même participé, en 1920, au Congrès de Tours de la SFIO, qui vit la fondation du PCF). Le Viêt-Minh organise la résistance contre l'occupant japonais.

  • Mars 1945 : Dans l'espoir de sauver les meubles, les Japonais chassent les collaborateurs français et remettent sur le "trône" vietnamien l'empereur d'opérette Bao Daï, une potiche au service de tous les colonialismes. (Avant la guerre, il a été play-boy à Paris et figurant en chef au palais impérial de Hué.)

  • Septembre 1945 : Après la défaite japonaise et la libération du pays, Hô Chi Minh proclame l'indépendance du Viêt-Nam (à Paris, de Gaulle est à la tête du gouvernement provisoire). Comme prévu à la Conférence de Potsdam (août 45), des troupes du Kuomintang (parti nationaliste chinois de Tchang Kaï-Chek) entrent dans le nord du Viêt-Nam pour y désarmer les Japonais. Dans le sud, ce sont des troupes britanniques et françaises (général Leclerc) qui s'en chargent. Hô Chi Minh, soucieux de renforcer l'unité nationale, offre un poste de conseiller à l'empereur déchu. Celui-ci préfère s'exiler en Chine, puis à Hong Kong, et enfin en Europe.

  • 1946 : La France (de Gaulle a démissionné en janvier) essaie de reprendre pied au Viêt-Nam en exploitant les divergences locales entre communistes et partisans de l'ancien régime colonial. En novembre, l'artillerie française bombarde le port de Haïphong (6.000 morts). Les hommes du Viêt-Minh, commandés par le général Vô Nguyên Giap, contre-attaquent en décembre. La guerre d'Indochine commence.


  • Source : Atlas historique Larousse

  • 1947 : Giap libère Hanoï. La France envoie en Indochine un corps expéditionnaire : armée de métier, engagés volontaires, légion étrangère* (dont beaucoup d'anciens nazis recrutés en Allemagne ou en Autriche) - mais pas d'appelés du contingent, comme ce sera le cas quelques années plus tard en Algérie. En France, l'opposition à la guerre est surtout le fait du parti communiste, en particulier depuis l'affaire Henri Martin. (Martin, ancien FFI proche des communistes, s'engage dans la marine à la Libération, est envoyé en Indochine "pour combattre les Japonais" et constate avec effarement que l'armée française issue de la Résistance a en fait pour tâche de reconquérir le Viêt-Nam. Après le bombardement de Haïphong, il est clair que cette armée, un an et demi après la fin de la Seconde guerre mondiale, ne vaut pas mieux que l'armée nazie. Martin est renvoyé à Toulon où il milite contre la sale guerre. Il sera condamné à cinq ans de prison par un tribunal militaire.)

    * A cette époque, un certain Nagybocsai Sárközy Pál, ancien hobereau fasciste hongrois ayant fui son pays en 1945, fait partie de la Légion étrangère où il a dû s'engager pour cinq ans. L'homme parviendra toutefois à se faire déclarer "inapte au départ pour l'Indochine" et ira, à la place, "faire suer le burnous" en Algérie. Il transmettra plus tard à son fils Nicolas un solide racisme anti-arabe, conforté et amplifié par l'idéologie sioniste de la mère.


  • 1949 : En Chine, la révolution communiste de Mao Tsé-Toung triomphe ; Tchang Kaï Chek se réfugie à Formose (Taïwan). Avec le soutien du nouveau régime de Pékin, le Viêt-Minh remporte d'importants succès militaires au Tonkin. L'URSS évite de se prononcer trop bruyamment sur la question vietnamienne, ayant bien d'autres chats à fouetter, en Europe notamment, en cette période de guerre froide. Staline se méfie des tendances nationalistes de Hô Chi Minh. Il fait néanmoins parvenir des armes et du matériel aux combattants.

  • 1950-53 : Tandis qu'une autre guerre, bien plus meurtière, ravage la Corée, la France envoie de plus en plus de troupes au Viêt-Nam (jusqu'à 235.000 hommes, auxquels viennent s'ajouter 260.000 supplétifs indochinois). Au nom de la croisade anticommuniste, le président américain Truman (le criminel de guerre qui atomisa Hiroshima et Nagasaki) soutient financièrement et matériellement la guerre française en Indochine. Pour la forme, Paris "accorde l'indépendance" à un Etat vietnamien "présidé" par le revenant Bao Daï. Le Laos et le Cambodge deviennent eux aussi "indépendants" ; ils ne le seront vraiment qu'après la défaite française de 1954. (Le Bao Daï cambodgien a pour nom Norodom Sihanouk ; il survivra à tous les régimes.)

  • 1953-54 : Pour "en finir une fois pour toutes avec la rébellion", les stratèges de l'armée française concentrent des dizaines de milliers d'hommes dans le nord du pays, dans la plaine de Diên-Biên-Phu. Des mois durant, ils acheminent par avion soldats, matériel, armes et munitions et mettent en place un gigantesque camp retranché. Les patriotes vietnamiens parviennent à encercler le camp sans attirer l'attention. Depuis les collines avoisinantes, où ils ont transporté des pièces d'artillerie à dos d'homme quand l'accès n'était pas possible autrement, les soldats de Giap se mettent à pilonner les occupants.

    En mai 1954, à l'issue de deux mois de siège et après que les Vietnamiens aient fait exploser une tonne de TNT dans une longue galerie creusée sous le camp, les militaires français, faits comme des rats, doivent capituler. 12.000 hommes sont faits prisonniers, dont le général de Castries et tout son état-major.

  • Juillet 1954 : Signature des accords de Genève rétablissant la paix et scellant la défaite française. En attendant la tenue d'élections générales dans l'ensemble du pays, le Viêt-Nam est provisoirement coupé en deux le long du 17ème parallèle. Les troupes du Viêt-Minh sont regroupées au nord ; les supplétifs de la guerre coloniale française, au sud.

    Bilan de la guerre du côté français : 80.000 morts. Du côté vietnamien : plus de 500.000.

  • 1955 : Les troupes françaises évacuent le pays et vont se lancer dans une autre guerre coloniale perdue d'avance (l'insurrection algérienne a éclaté en novembre 54). Les Etats-Unis (président Eisenhower) veulent à tout prix empêcher la réunification du Viêt-Nam sous l'égide des communistes et font tout pour empêcher la tenue d'élections libres qui y conduiraient infailliblement. A Saïgon, ils font proclamer un Etat séparé à la tête duquel ils placent leur marionnette Ngô Dinh Diêm. L'empereur Bao Daï, après un intermède de quelques mois, doit s'exiler en France.

  • 1957-60 : Dans le sud, sous l'œil bienveillant des conseillers américains, Diêm établit une sanglante dictature. La résistance commence à s'organiser et finit par prendre des allures de guérilla.

  • 1961 : Les Etats-Unis (John F. Kennedy est président depuis janvier) accentuent leur ingérence militaire au Sud-Viêt-Nam. Le Pentagone fournit à Diêm les hélicoptères dont il a besoin pour combattre les insurgés. Il lui fournit également les pilotes, baptisés "conseillers". C'est le début de la guerre américaine. Sur le terrain, le Front National de Libération (FNL) que les Américains désignent du terme méprisant de "vietcong", se renforce à vue d'oeil. Il est bien entendu soutenu par le Nord, de même que par la Chine et l'URSS. Armes et matériel sont acheminés le long de la fameuse piste Hô Chi Minh.

  • 1962 : Malgré son engagement initial, Kennedy semble vouloir éviter l'escalade au Viêt-Nam ; il annoncera même un retrait progressif des "conseillers". Le président américain s'efforce d'ailleurs de limiter la confrontation avec le bloc communiste : absence de réaction notable au moment de la construction du mur de Berlin (août 61), solution pacifique de la crise cubaine des fusées (octobre 62), rencontres au sommet avec le numéro un soviétique Khrouchtchev... Cette attitude du président américain, jugée trop "molle" par certains, ne sera sans doute pas étrangère à son assassinat, en novembre 1963.

  • 1963 : Au Sud-Viêt-Nam, de nombreux bouddhistes se joignent à la résistance animée par les communistes. En juin, un bonze s'immole par le feu pour protester contre la dictature soutenue par les Etats-Unis. La position du dictateur Diêm devient intenable. Un putsch téléguidé depuis l'ambassade américaine le renverse et lui coûte la vie.

  • 1964 : Après la mort de JFK, le vice-président Lyndon B. Johnson entre à la Maison Blanche et modifie radicalement la politique vietnamienne de son prédécesseur. (Il était d'ailleurs probablement mêlé, de près ou de loin, à l'attentat criminel de novembre 63). Sur le terrain, l'intervention relativement "timide" des Etats-Unis devient une véritable guerre qui s'aggrave de jour en jour. Au bout de quelques mois, un corps expéditionnaire américain de 20.000 hommes est en place au Sud-Viêt-Nam. En août, Johnson monte la provocation du golfe du Tonkin qui lui permettra d'étendre sa sale guerre au nord du pays. LBJ et ses acolytes espèrent ainsi stopper le soutien matériel et logistique que le Nord-Viêt-Nam fournit au FNL du Sud - projet tout à fait illusoire.


  • Source : Atlas historique Larousse

     
    Hô Chi Minh et Giap

  • 1965-66 : Les raids aériens américains contre le Nord deviennent de plus en plus sauvages et meurtriers. Au Sud-Viêt-Nam, il y a déjà 80.000 militaires américains en 1965, et les Etats-Unis envoient toujours plus de troupes (la conscription obligatoire est rétablie). Le général Westmoreland donne l'ordre à ses hommes de "tuer le plus de vietcongs possible". Pour faciliter le décompte, tout villageois tué est automatiquement considéré comme "vietcong", y compris les femmes et les enfants (puisqu'ils aident les rebelles). Le régime fantoche de Saïgon ne joue plus qu'un rôle secondaire sur le terrain.

  • 1967 : Le FNL accentue sa pression sur l'occupant en multipliant les attaques contres les bases militaires, comme celle de Da-Nang par exemple (la plus grande du pays).

  • 1968 : Les Etats-Unis ont maintenant 500.000 hommes au Viêt-Nam. L'enlisement devient évident. L'offensive du Têt (nouvel an vietnamien) marque le commencement de la fin de la guerre américaine. La Résistance attaque alors simultanément toutes les positions US du pays, créant un immense choc psychologique parmi les occupants. Devant l'ampleur des pertes (le Pentagone reconnaît qu'il y a entre 100 et 350 GIs tués chaque semaine), l'opinion publique commence à se rebiffer.

  • 1969 : Mort de Hô Chi Minh. A Washington, Richard Nixon devient président ; il a promis à ses compatriotes une "paix honorable". En réalité, les bombardements, tueries, exactions, viols et autres atrocités se multiplient (le massacre de My Lai n'en est qu'un parmi beaucoup d'autres). Au Nord comme au Sud, l'aviation US largue des millions de bombes à fragmentation sur la population civile, détruit les rizières, incendie les villages au napalm, déverse des milliers de tonnes d'herbicide et de défoliant sur les forêts (agent orange fabriqué par Monsanto, le plus grand bioterroriste de tous les temps). Les crimes de guerre américains secouent l'opinion occidentale.

  •  

    De puissantes manifestations antiguerre ont lieu aux Etats-Unis et dans le reste du monde. Un peu partout, on se solidarise avec les victimes vietnamiennes.



    L'actrice américaine Jane Fonda à Hanoï

  • 1970 : Le gangster de la Maison Blanche parle de "vietnamiser" la guerre, d'en reporter le fardeau sur les marionnettes de Saïgon (comme en Irak, 35 ans plus tard). Simultanément, les USA étendent le conflit aux Etats voisins du Viêt-Nam. Le criminel Henry Kissinger (il obtiendra plus tard le Prix Nobel de la "Paix") fait bombarder le Laos et le Cambodge sous prétexte que les guérillas locales soutiennent les insurgés vietnamiens et hébergent des GIs déserteurs. Les militaires américains sont de plus en plus nombreux à tourner le dos à la sale guerre, à refuser le combat ou à pratiquer le fragging (la liquidation des officiers et sous-officiers fanatiques)*. Ceux qui restent sur place essaient d'oublier la triste réalité en s'adonnant à la drogue. L'armée et les services secrets font tout pour leur faciliter la tâche - plutôt 500.000 drogués que 500.000 révoltés.

    * Selon une enquête "confidentielle" menée par le colonel Robert D. Heinl sur ordre du président Nixon, 10 % des GIs américains militent activement contre la guerre et l'armée, 20 % pratiquent la résistance passive, 30 % ont une attitude très critique, voire hostile, mais hésitent encore à passer aux actes. Plus de 140 journaux antimilitaristes clandestins circulent parmi les soldats. En 1969, on enregistre 56.000 désertions, et 66.000 l'année suivante. 12.000 soldats US rejoignent le "vietcong". 9.000 officiers et sous-officiers sont victimes du fragging. Dans certaines grandes bases militaires, pour limiter les "incidents", on enlève leurs armes aux GIs - ce qui s'avère problématique en cas d'attaque vietnamienne. Beaucoup de militaires américains arborent un foulard rouge autour du cou quand ils partent "en opération", signalant ainsi à "l'ennemi" qu'ils n'ont pas l'intention de combattre. Le colonel Heinl compare le moral de l'armée américaine au Viêt-Nam à celui de l'armée française au moment des mutineries de 1917, et à celui de l'armée tsariste à la veille de la révolution russe. Inutile de préciser que tout a été fait pour cacher au grand public l'existence et le contenu de ce rapport sulfureux.


  • 1972-73 : Nixon veut être réélu à la présidentielle de novembre 1972 et entame des négociations "secrètes" avec le Nord-Viêt-Nam. Il gagnera les élections, mais seulement grâce à la tricherie du Watergate (il a fait espionner son adversaire démocrate). En janvier 1973, un traité de paix est signé à Paris. Les USA mettent fin aux bombardements du Nord. Au Sud-Viêt-Nam, Nixon commence à retirer ses troupes ; les jours du gouvernement fantoche de Nguyên Van Thiêu sont comptés. Mais l'occupation ne cessera vraiment que deux ans plus tard.

  • 1974 : Le scandale du Watergate donne plus du fil à retordre à Nixon que le désengagement du Viêt-Nam. Finalement, en août 1974, le président le plus malhonnête de toute l'histoire des USA démissionne avant que le Congrès ne le démette de ses fonctions.



    "Vous acheteriez une voiture d'occasion à ce type-là ?"

  • 1975 : La ville de Saïgon est libérée le 30 avril. Les derniers occupants américains et les collaborateurs les plus compromis quittent le pays en catastrophe. Le Viêt-Nam est libre et réunifié. Saïgon devient Hô-Chi-Minh-Ville.


     

    Bilan de la guerre américaine : 58.000 morts du côté US, 4.000.000 du côté vietnamien (en comptant les victimes cambodgiennes et laotiennes). Les agresseurs ont largué deux fois plus de bombes sur le Viêt-Nam que sur l'ensemble des fronts pendant toute la Seconde Guerre mondiale. Ils ont perdu 3.700 avions et 4.900 hélicoptères.




  • Nord-Viêt-Nam / Viêt-Nam réunifié


    Front National de Libération du Sud-Viêt-Nam


    Etat fantoche du Sud-Viêt-Nam


EN QUOI LA GUERRE D'IRAK EST-ELLE COMPARABLE À CELLE DU VIÊT-NAM ?

  • La langue de bois de la propagande américaine est restée fidèle à elle-même tout en s'adaptant : la "lutte contre le communisme" est devenue la "lutte contre le terrorisme international". La seule différence est que les Etats-Unis incarnent eux-mêmes aujourd'hui ce contre quoi ils prétendent lutter, alors que dans les années 1960-70, ils n'étaient pas "communistes", cela va de soi. En ce sens, Johnson et Nixon étaient plus "honnêtes" que Bush.

  • Le racisme est toujours omniprésent, même si l'on ne s'en prend plus aux "Yeux-bridés" ou aux "Jaunes", mais aux "Bougnoules". La haine prend aujourd'hui un tour religieux qui n'existait pas il y a 40 ans. Les Vietnamiens, majoritairement bouddhistes ou chrétiens, pratiquaient des religions plus "présentables" et plus "civilisées" que l'islam.

  • En Irak comme au Viêt-Nam, les Américains se présentent comme les "protecteurs" d'une armée locale "dépassée par les événements". L'armée US est pour ainsi dire l'arbitre de la "guerre civile" (les "violences sectaires" et les attentats "d'Al-Qaïda" sont l'équivalent de "l'invasion" du Sud par le Nord). Ce qui s'appelait "la vietnamisation du conflit" devient "l'irakisation".

  • Les escadrons de la mort mis en place en Irak pour liquider les élites, attiser la "guerre civile" et les "affrontements religieux" rappellent étrangement l'Opération Phoenix de la CIA au Viêt-Nam, dont l'objectif était d'éliminer physiquement les "meneurs" de la résistance et de terroriser la population. Les centres de torture (comme Abou-Ghraïb) existaient également au Sud-Viêt-Nam*. Cette forme de terreur fit plus de 60.000 morts dans les années 1960-70. En Irak, où les attentats à la bombe commandités par les occupants sont quotidiens, ce chiffre est largement dépassé après "seulement" quatre ans de guerre.

    * Dans son livre A Question of Torture, Alfred McCoy signale que la CIA gérait 40 "centres d'interrogatoires" au Sud-Viêt-Nam. On y a tué plus de 20.000 "suspects" et torturé des dizaines de milliers d'autres.


  • Comme au Viêt-Nam, où l'agent orange et les bombes à fragmentation continuent de faire des victimes plus de trente ans après la fin de la guerre, les criminels du Pentagone utilisent en Irak des armes prohibées (obus à l'uranium). Dans un cas comme dans l'autre, les enfants sont particulièrement touchés.

  • Septembre 1967 : élections "libres" au Sud-Viêt-Nam - taux de participation, selon le New York Times : 83 % - succès total.  Janvier 2005 : élections "libres" en Irak - taux de participation, selon le même journal : 72 %, voire 95 % dans certains secteurs - succès total.

  • En Irak comme au Viêt-Nam, les Américains prétendent se trouver à la tête d'une "coalition internationale". En fait, dans un cas comme dans l'autre, ils ont tout juste un ou deux alliés notables (Grande-Bretagne en Irak, Corée du Sud au Viêt-Nam - l'Australie est toujours de la partie).

  • L'extension de la guerre aux pays voisins semble être inévitable quand les choses ne vont plus. Le Cambodge et le Laos étaient "complices" du "vietcong" ; la Syrie et l'Iran jouent le même rôle en Irak.

  • La guerre d'Irak finira probablement comme a fini celle du Viêt-Nam, même si personne ne peut garantir une répétition exacte des détails historiques.


    Ce serait trop beau...




EN QUOI LA GUERRE D'IRAK EST-ELLE DIFFÉRENTE DE CELLE DU VIÊT-NAM ?

  • Pour ce qui est des troupes d'invasion envoyées au Viêt-Nam, on sait que le service militaire était obligatoire aux Etats-Unis jusqu'en 1976. Le Pentagone n'a donc eu aucun mal à se procurer la chair à canon nécessaire pour mener sa sale guerre. Avec l'aventure irakienne, tout est différent : pas de conscription, on a une armée de métier et de volontaires. Bien que le marasme économique et la précarité poussent les plus pauvres à s'engager, l'armée manque de soldats. On recrute beaucoup d'étrangers à qui l'on promet un passeport US pour plus tard (s'ils restent en vie), on envoie la Garde nationale faire la guerre (ce n'est pas son rôle), on fait appel à des mercenaires "civils".

  • La composition des troupes a bien entendu une grande incidence sur le niveau de discipline. En Irak, les cas de désertion ou d'insubordination sont infiniment plus rares qu'au Viêt-Nam. On a affaire à des mercenaires (c'est-à-dire des gens qui sont payés pour tuer et pour se faire tuer).

  • Dans les années 2000, la population américaine ne songe absolument pas à se solidariser avec les habitants du pays envahi. Quand on est contre la guerre, on se contente de réclamer le retour des soldats américains, car la politique de George W. Bush met leur vie en danger - la vie des Irakiens, elle, ne pèse pas lourd. On ne voit jamais personne brandir un drapeau irakien dans la rue, alors que quarante ans plus tôt, les drapeaux du Nord-Viêt-Nam ou du FNL étaient présents dans toutes les manifestations.

  • Pertes américaines : au Sud-Viêt-Nam, en 14 ans de guerre, les agresseurs ont eu 58.000 morts (chiffre avoué, certainement inférieur à la réalité). En Irak, le bilan officiel au bout de quatre ans est de 3.200 environ. Même en tenant compte du fait que les pertes des années 2000 sont beaucoup plus fortement corrigées à la baisse que celles des années 1960-70, force est de constater que les Américains meurent peu en Irak : en moyenne, trois hommes par jour (cinq par jour pour les "meilleurs" mois). Au Viêt-Nam, la moyenne était de onze morts par jour - il faut dire, cependant, que les pertes des quatre premières années étaient comparables à ce qu'elles sont aujourd'hui en Irak. Ce n'est qu'à partir de 1968 que le rythme s'est accéléré jusqu'à atteindre 50 tués par jour. Donc, tous les espoirs sont permis... (Les Irakiens, quant à eux, meurent autant que les Vietnamiens : 650.000 en quatre ans selon certaines estimations. Et il ne faut pas oublier les morts de 1991 et les victimes de douze années d'embargo.)

  • Au Viêt-Nam, des milliers de militaires américains ont été faits prisonniers par le FNL ou l'armée du Nord, capturés dans une embuscade ou abattus alors qu'ils bombardaient des civils. Les mythomanes hollywoodiens ont transformé ces pauvres types et ces lâches en "héros" sachant résister aux perverses tortures de sadiques "cocos". A l'écran, les tueurs et les tortionnaires sont toujours les victimes, c'est bien connu, et les rambos yankees ne perdent jamais la guerre. En Irak, la résistance n'a pas les moyens de s'encombrer de prisonniers. Et pour Hollywood, le sujet est à la fois trop banal et trop actuel - pour le moment, on se contente de produire des "cassettes d'Al-Qaïda".

  • En Irak, même après quatre années de guerre, la coordination des mouvements de résistance (ne parlons pas d'unité) fait encore cruellement défaut. On a le sentiment d'un gigantesque gaspillage de ressources. Les deux grands courants (le patriotique non-confessionnel et le religieux chiite) ne parviennent pas à s'entendre durablement, faisant ainsi le jeu des provocateurs, terroristes et autres fomentateurs de "guerre civile" à la solde de l'envahisseur et de ses inspirateurs néo-cons. Au Viêt-Nam, l'impérialisme US se voyait confronté à un front uni et discipliné, soutenu par l'armée régulière du Nord.

  • En ce qui concerne la puissance de feu de la résistance, les Irakiens disposent d'une quantité astronomique d'armes légères, lance-grenades, missiles peu sophistiqués et pièges explosifs improvisés (IED). Cet armement provient des stocks constitués par le régime de Saddam Hussein en prévision de l'agression américaine et - dans une bien moindre mesure - de livraisons clandestines iraniennes aux milices chiites. Mais les résistants n'ont pratiquement pas d'artillerie ni de défense anti-aérienne. On imagine les conséquences si c'était le cas - et si le gouvernement de Téhéran ne freinait pas la résistance au lieu de l'encourager. (Au Viêt-Nam, le Front de Libération était beaucoup plus dépendant des livraisons extérieures. Mais d'un autre côté, il pouvait compter sur la solidarité matérielle quasi illimitée des Etats qui le soutenaient. Les Irakiens, eux, sont isolés sur la scène internationale.)

  • Infiltration de l'administration locale : au Sud-Viêt-Nam, il a fallu des années au FNL pour placer ses gens au sein des ministères, de la police et de l'armée fantoche. En Irak, 40 ans plus tard, tout se fait en quelques mois. Les supplétifs irakiens au service de l'occupant sont beaucoup moins efficaces et beaucoup moins fiables (du point de vue américain) que leurs homologues vietnamiens.

  • Une des différences essentielles entre la guerre du Viêt-Nam et celle d'Irak, c'est que cette dernière est une pure création sioniste. Jusqu'à l'effondrement du camp communiste, en dehors des deux guerres mondiales, l'armée américaine n'a pratiquement jamais combattu ailleurs qu'en Amérique latine ou en Extrême-Orient. Jusqu'à une époque récente, le monde arabo-musulman ne figurait absolument pas parmi les objectifs du Pentagone. Au contraire, les relations politiques avec ces pays étaient plutôt bonnes (les exceptions confirment la règle). C'est la mainmise progressive du puissant lobby pro-israélien sur la politique américaine qui a conduit les Etats-Unis à se lancer dans des aventures militaires parfaitement contraires à leurs intérêts.

  • On dit que la télévision a permis au monde de prendre conscience de la guerre du Viêt-Nam, les images des atrocités faisant irruption dans tous les foyers. En fait, la télé d'alors n'a guère montré de telles images ; c'est surtout à la presse écrite (à une partie d'entre elle) et à quelques cinéastes courageux (Joris Ivens, Chris Marker, Alain Resnais, Claude Lelouch, Jean-Luc Godard, Agnès Varda) que revient ce mérite. La télévision, quant à elle, a surtout fait dans la désinformation. Ces procédés ne datent pas d'aujourd'hui et ne dépendent pas du nombre de chaînes disponibles. Quarante ans plus tard, malgré sa "diversité" apparente, le "petit écran" est tout aussi monolithique et mensonger - et la presse écrite n'a rien à lui envier. Si, malgré cela, l'information est devenue infiniment plus aisée aujourd'hui (pour les gens qui prennent la peine de s'informer), c'est bien sûr grâce à Internet.





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