LA GUERRE D'IRAK

( II - mars-avril 2003 )



I : L'agression annoncée     II : L'invasion     III : L'occupation    IV : La résistance    V : La guerre de libération ?





L'INVASION

- Les barbares se défoulent -


L'Empire attaque     Les soldats de la presse     Regrets     Victimes civiles     Témoins gênants     Libre-service
Extension du conflit     Intox     Chauvinisme et intégrisme     Bonnes nouvelles     Captifs
Résistance irakienne     Drapeau national     Résistance internationale     Oscars     "Aide humanitaire"
Vive la "liberté"     Saddam Hussein le dictateur     L'Irak de 1917 à 2003    



"A cette heure, les forces américaines ont engagé les premières opérations militaires
pour désarmer l'Irak, libérer son peuple et défendre le monde contre un grave danger.
"
- Monsieur Bush, à la télévision, le 20 mars 2003 à 5 h 15 (heure de Paris) -

"Pour mettre fin aux menées criminelles des Polonais, nous n'avons d'autre choix
que de répondre à la violence par la violence.
Depuis ce matin, 4 h 45, nous ripostons à l'agression.
"
- Monsieur Hitler, à la radio, le 1er septembre 1939 à 5 h 15 (heure de Paris) -


"Cette agression ignoble doit être réprimée avec la plus grande fermeté."
- Dominique de Villepin (ministre français) -
Malheureusement, cette déclaration n'a pas été faite par de Villepin, ministre des Affaires étrangères en mars 2003, au moment de l'agression américaine contre l'Irak, mais par de Villepin, ministre de l'Intérieur en juillet 2004, à propos d'une "agression antisémite" dans le RER de Paris (trois jours plus tard, le scandale éclatait : la "victime" avouait avoir menti - pas plus d'agression antisémite que d'honnêteté intellectuelle chez un ministre).


Cartes de l'Irak

Témoignages du journaliste anglais Robert Fisk
( en direct de Bagdad )

Victimes civiles et destructions
( sur le site de Robert Fisk - nombreuses photos - téléchargement assez long )

certaines de ces photos se trouvent également sur le site :
http://membres.lycos.fr/irakphoto/photo.htm
( source : Al-Jazeera - 28 mars 2003 )


L'EMPIRE ATTAQUE

Le 20 mars 2003, au petit matin, George Bush déclenche l'agression contre l'Irak. Les armées les plus puissantes de la planète - les plus puissantes de tous les temps - attaquent un petit pays 500 fois plus faible, usé par douze ans d'embargo et "d'inspections", dépourvu d'aviation et de marine, doté d'armes inefficaces vieilles de vingt ans et plus. Le "combat loyal" tel que le conçoivent les stratèges américains, s'engage aussitôt. Pour commencer, des dizaines de missiles s'abattent sur la capitale.




(photos prises le 20 mars et les jours suivants)


Carthage-Bagdad - à 22 siècles de distance, d'étranges similitudes historiques : Delenda est Bagdado par Mohamed Talbi.


Les soldats de la presse en première ligne :

Dès la première heure, toutes les chaînes de télévision montrent les mêmes images stériles et censurées, sans aucune valeur informative. Communiqués officiels, reportages bellicistes, clips de propagande présentant les vaillantes troupes américaines impatientes d'en découdre, interventions d'experts autoproclamés "expliquant" ce que les services de désinformation du Pentagone rabâchent depuis des mois, documentaires anti-irakiens préparés de longue date pour être diffusés le jour "J" : toutes les poubelles médiatiques se vident d'un seul coup.

Pour les pressetitués de service, grands ou petits, c'est enfin l'occasion de jouer à fond le rôle pour lequel on les rétribue, de se délecter de ce "moment historique", de savourer les moindres déjections verbales des Goebbels washingtoniens. Tout est bon à prendre : banalités, stupidités, mensonges les plus éhontés.

Quelques jours plus tard, les inconditionnels de la croisade américaine doivent se rendre à l'évidence : la guerre sera plus longue que prévue. En France, comme presque partout dans le monde, sauf aux Etats-Unis, l'information devient plus nuancée. On émet des doutes, on critique modérément, on parle de l'après-guerre. Mais dans l'ensemble, disons à 95 %, le contenu reste le même. 5 % d'inévitable vérité, c'est peu, mais au pays des aveugles, le borgne est roi.

Aux USA, aucune chaîne, aucun quotidien, aucun journaliste ne peut se permettre la moindre incartade. CBS a été rappelée à l'ordre par Rumsfeld pour avoir passé en clair quelques images d'Al-Jazeera montrant des prisonniers américains. Il est formellement interdit de montrer tout ce qui pourrait démoraliser le pays et le faire basculer dans le pacifisme. Donc ni prisonniers, ni morts, ni blessés. Le téléspectateur américain, qui ne voit habituellement sur son écran que fusillades, massacres et tueries, doit tout à coup croire à la "guerre propre".

Les images les plus "osées" sont livrées par les embedded correspondents, ces journalistes intégrés à la troupe, qui ont suivi au préalable un stage d'entraînement physique et psychologique approprié - il est plus simple d'engager des auxiliaires que d'apprendre à un GI à tenir une caméra. Pour faire plus "authentique", on tourne certaines scènes en off : combat de rue bidon, destruction d'un char ennemi abandonné, arrestation d'un "terroriste", soldats américains acclamés par la population ou venant en aide à des enfants blessés, etc...

[Se mettre "au lit" avec les agresseurs n'est pas toujours ce qu'il y a de plus sûr : le 7 avril, à Bagdad, deux journalistes étrangers (un Espagnol et un Allemand) sont tués par une roquette irakienne en même temps que leurs protecteurs. Leurs journaux respectifs (El Pais et Focus) devraient peut-être demander le remboursement des frais de stage...  Quelques jours plus tôt, deux autres journalistes intégrés - des Américains - ont d'ailleurs subi un sort identique. Pour l'un d'eux, Michael Kelly, belliciste indécrottable et apologiste de tous les crimes américains et israéliens, il faut sans doute y voir un juste retour de manivelle de cette "Providence" qui n'est pas toujours du côté des assassins.]

Dans l'ensemble, les médias ne montrent rien des horreurs de la guerre. Seul Al-Jazeera a le courage de diffuser ces images, reprises parfois très timidement par les chaînes européennes, mais jamais par les networks du "pays de la liberté".

La censure américaine* ne frappe pas seulement les images mais aussi les commentaires. Peter Arnett a été congédié par la NBC pour avoir constaté l'échec initial du Pentagone (voir plus bas). Phil Smucker a dû quitter l'Irak pour avoir donné en direct sur CNN trop de détails sur le dispositif américain. Même MTV a banni tous les clips pouvant être interprétés comme une critique de la guerre.

* Le site TBRNews.org fournit quelques exemples de directives formulées par la direction d'un grand network.

En France, après plus de deux semaines d'agression, on assiste à un retournement de situation. La journaille sait que "les jours du régime de Bagdad sont comptés". Il est temps pour elle d'enterrer ses doutes et de faire comme si elle avait toujours cru à une rapide victoire américaine. On crache donc sur le perdant qui titube sous les coups d'un adversaire infiniment plus fort, on l'insulte, on l'humilie. Pourquoi ne pas en profiter puisqu'on ne risque rien ? L'important, c'est d'être du côté du vainqueur.

Le 9 avril, c'est pratiquement terminé. La presse retrouve sa forme des premiers jours et se replace à 100 % sur les positions américaines. Tout ce qui s'est passé au cours des trois dernières semaines est oublié. Notre équipe a enfin gagné - ah, si les Bleus avaient joué comme ça en Corée...  Vraiment de toute beauté, ces images du grand jour. Trente secondes de matériel vidéo passé et repassé en boucle pendant des heures et des heures : la statue du despote renversée par le "peuple", le V de la victoire, le "bye-bye Sadam" avec un seul d, les "explosions de joie", la "foule en liesse"...  (Il paraît que les quelques figurants étaient mieux payés que ceux de la "libération" de Kaboul ; c'est la moindre des choses quand on songe que ce clip risque de devenir aussi fameux que celui de la chute du Mur de Berlin.)


Regrets :

Les Français qui n'ont pas vomi leur café le 20 mars 2003, en voyant l'infâme ordure de la Maison Blanche annoncer son nouveau crime, ont dû le faire en entendant Chirac "regretter l'action" de ses alliés américains et "souhaiter que ces opérations soient les plus rapides et les moins meurtrières possible". En d'autres termes : ce que vous faites là, les gars, c'est regrettable, mais bon, tant pis, essayez quand même de vous dépêcher et de ne pas tuer trop de gens...  Si quelqu'un se faisait encore des illusions sur la "fermeté" du président français ou sur son honnêteté intellectuelle*, il doit à présent savoir à quoi s'en tenir.

* Quatre jours après avoir exprimé ses "regrets", Chirac part en guerre...  contre le tabac.   Un peu plus tard, il discute avec Blair de "l'après-Saddam" et légitime ainsi l'agression en enterrant prématurément l'agressé.  Enfin, le 2 avril, Chirac déclare que "les Etats-Unis sont nos alliés et nos amis". (Le secrétariat de l'Elysée prépare déjà le message de félicitations que le grand homme de paix français enverra à Bush et à Blair le jour de la victoire des forces anglo-américaines.)

Quand les bombardiers de l'alliance terroriste quittent leurs bases de Grande-Bretagne pour aller massacrer la population irakienne, ils survolent la France et l'Allemagne - et bien entendu, les deux gouvernements sont d'accord.

Question hypocrisie, le chancelier allemand dépasse de beaucoup son "ami" de l'Elysée. Malgré son non à la guerre, il accorde un soutien sans faille à son suzerain de Washington (voir les détails ). Lorsque les Etats-Unis déclenchent leur attaque, Schröder accentue même ce soutien en envoyant des renforts au Koweït. Il accepte l'utilisation - illégale en temps de guerre - des bases américaines en territoire allemand (Ramstein, Rhein-Main, etc...). Ces bases sont indispensables aux agresseurs qui y font passer une partie considérable de leur matériel. Quand des manifestants tentent d'en bloquer l'accès, la police intervient contre eux.

A Marbourg, en Hesse, police et "justice" vont plus loin encore dans leur rôle d'auxiliaires de la politique US : un commerçant qui avait placé dans sa vitrine une affiche "George Bush = criminel de guerre - Non au terrorisme d'Etat américain" est poursuivi pour "diffamation d'un chef d'Etat étranger" et risque trois ans de prison*.  Presque partout dans le pays, les lycéens qui "sèchent" les cours pour aller manifester (70.000 à Berlin le 21 mars) sont "sanctionnés" sur ordre des chefs d'établissements. Et on vient ensuite leur prêcher le "courage civique"... Pour couronner le tout, le ministre allemand des affaires étrangères Fischer déclare le 2 avril qu'il espére que le régime irakien sera renversé rapidement.

* Question à 500 euros : comment aurait réagi le parquet si le "coupable" avait "diffamé" Saddam ?

Les très nombreux manifestants anti-guerre allemands ne se laissent pas duper par le discours pacifiste officiel et revendiquent avant tout que leur gouvernement mette fin à son double jeu - sans succès.

En fait, Chirac et Schröder pensent déjà à la prochaine guerre, qu'ils aimeraient faire ensemble avec une armée européenne intervenant aux côtés des USA. Dès que les questions de politique extérieure et militaire seront décidées en commun - et à la majorité simple - au sein de l'UE, il ne sera plus possible, ni pour la France ni pour l'Allemagne, de se tenir à l'écart d'un "conflit" comme celui auquel nous assistons en mars-avril 2003. Guignol et Gnafron pourront alors expliquer à leurs "chers concitoyens" qu'ils n'y peuvent rien et que "c'est ça l'Europe".

En attendant, le 9 avril, nos deux compères jubilent comme tout le monde : dans la jungle, terrible jungle, le lion est mort ce soir, et nous sommes heureux d'avoir contribué, par notre politique, à en venir à bout. Vive la coopération atlantique pour la reconstruction de l'Irak. Et espérons que George Bush, cet homme politique admirable, ce grand stratège que nous vénérons tant, nous pardonnera bientôt de lui avoir désobéi. Tout le monde peut se tromper.

Le 15 avril, pour sonder le terrain, Chirac téléphone à Bush et lui présente "ses condoléances pour les pertes humaines enregistrées par les forces américaines". Comme l'homme de la Maison Blanche ne lui a pas raccroché au nez, tous les espoirs sont permis.


Victimes civiles :

Vingt-quatre heures après le début de l'agression, il est déjà question de plus de dix morts civils. Le nombre exact est inconnu ; il pourrait être plus élevé, car des milliers de bombes sont tombées sur le pays au cours de cette première journée de guerre.

Le 23 mars 2003, on apprend que les bombardements anglo-américains ont tué 77 personnes à Bassorah et 4 à Tikrit. Il ne s'agit, bien sûr, que de chiffres partiels. On peut se demander si l'ampleur réelle des attaques US sera révélée un jour.


Deux civils irakiens "libérés" par Monsieur Bush

Le 24 mars, on signale qu'au cours des dernières 24 heures, il y a eu 62 civils irakiens tués et 400 blessés.

Au 25 mars, le total des victimes civiles s'élève déjà à 200.

Le 26, les forces d'agression détruisent 200 maisons à Nassiriya et font plus de 500 blessés civils. Le nombre de morts n'est pas communiqué.

Le même jour, deux missiles frappent la rue Abou Taleb, une rue commerçante de Bagdad et tuent une trentaine d'habitants, peut-être même une quarantaine si l'on en croit un reporter de la télévision allemande ARD. Le journaliste anglais Robert Fisk a été témoin de cette atroce barbarie américaine : une main sectionnée, des corps décapités, des mares de sang sur la chaussée, des restes de cervelle humaine dans un garage, les cadavres calcinés d'une mère et de ses trois jeunes enfants dans une voiture finissant de brûler...

Le nombre total de civils irakiens tués durant la première semaine de guerre s'élève à 350 (la plupart sont des enfants, des femmes et des personnes âgées). Il y a près de 4.000 blessés.

Le 27 mars, 50 autres civils sont tués dans les bombardements américains, dont 26 à Nadjaf, 11 à Karbala et 7 à Bagdad ; on compte plus de 200 blessés. A Nadjaf, les assassins du Pentagone lancent des bombes à fragmentation.

A Bassorah, depuis le début de la guerre, il y a eu 116 morts civils et près de 700 blessés.

Le 28 mars, nouveau massacre : un missile américain lancé sur un marché du quartier Al-Choula à Bagdad fait 62 morts. On apprend que le Pentagone va "ouvrir une enquête pour déterminer les circonstances exactes de cette tragédie". C'est un peu comme si Himmler avait décidé d'enquêter sur la cause exacte des décès tragiques survenus au camp de Mauthausen.

Robert Fisk a visionné une cassette vidéo d'Al-Jazeera. Elle contient des images qui ne seront jamais diffusées sous cette forme tant elles sont horribles. Elles montrent le vrai visage de la guerre anglo-américaine : Raw, devastating realities that expose the truth about Basra.

En 1945, après la chute du nazisme, on obligeait parfois la population allemande a assister à la projection de films montrant les atrocités découvertes lors de la libération des camps nazis. On aimerait que tous les partisans de l'agression, qu'ils soient aux Etats-Unis, en Angleterre, en France ou ailleurs, voient le matériel vidéo que décrit Robert Fisk. Si l'on pouvait contraindre les femmes et les enfants des Bush, Blair, Rumsfeld, Powell et autres criminels de guerre, à voir ce que font leurs maris et pères, il y a fort à parier que la guerre cesserait vite.

Sur les horreurs subies par la population des villes du sud de l'Irak, lire aussi cet article d'Al Faraby.

Bilan des victimes civiles irakiennes du 20 au 29 mars : 425 morts et plus de 4.000 blessés.

Le 1er avril 2003, à un barrage routier près de Nadjaf, des militaires américains tirent sur un véhicule civil et tuent dix personnes (femmes et enfants). Un "incident" similaire se produit le lendemain au sud de Karbala : onze morts. Les patrouilles anglo-américaines tirent sans sommation sur tout ce qui bouge.

Dans la région de Bagdad, soumise depuis plusieurs jours à des bombardements massifs quasi-continuels, les victimes se comptent par centaines. A Hillah, au sud de la capitale, il y a 50 morts en quelques heures, surtout des femmes et des enfants. A Janabiyah, les missiles tuent 20 personnes pendant leur sommeil. Le 2 avril, les Américains détruisent une maternité du Croissant-Rouge dans le quartier Al-Mansour à Bagdad.

Body Count : ce site fait le décompte des civils tués en se basant sur les communiqués et les articles de presse et en ne retenant que ce qui est avéré ou confirmé. Le 2 avril, après deux semaines de guerre, la fourchette minimum / maximum s'établissait déjà à 550 / 725. Les chiffres effectifs sont probablement plus élevés, car dans les villes assiégées, il devient impossible de comptabiliser les victimes.

Le 3 avril, les tueurs du Pentagone lancent des bombes à fragmentation sur le quartier de Douri à Bagdad : 14 morts civils. Le lendemain, dans un village près de l'aéroport de la capitale, 85 habitants sont tués et des centaines d'autres blessés par les bombes américaines.* A Fourad, une localité située entre l'aéroport et le centre-ville, les missiles font des douzaines de victimes civiles.

* Plusieurs mois plus tard, un médecin irakien témoigne : The Massacre of Rashdiya.

Le 6 avril, un convoi diplomatique russe, dans lequel se trouve l'ambassadeur de Moscou en Irak, est attaqué par les forces américaines ; il y a plusieurs blessés. Le Pentagone dément être impliqué dans cette attaque. En 1999, il avait également démenti le bombardement de l'ambassade de Chine à Belgrade. A quand la destruction des ambassades de France et d'Allemagne ?  On ne dit pas non au maître du monde sans en supporter les conséquences ; lui lécher les bottes après coup ne suffit pas.

On sait que des missiles lancés vers l'Irak depuis les navires de guerre américains se sont écrasés en Turquie et en Arabie Saoudite. S'ils n'ont tué personne, c'est tout à fait par hasard. La presse alignée continue pourtant de parler d'armes "intelligentes" - une intelligence qui n'est pas sans rappeler celle du "président"...

Un des principaux criminels de guerre, l'ignoble ordure britannique Geoff Hoon, ministre de la "Défense", ne se contente pas de massacrer des civils. A ceux de ses concitoyens qui l'accusent de le faire, il répond que "les mères irakiennes dont les enfants ont été tués par des bombes à fragmentation, remercieront un jour la Grande-Bretagne d'avoir utilisé ces armes" (rapporté par le journal The Independent).

Le 19 avril, Body Count en est déjà à plus de 2.300 victimes civiles, et les Irakiens continuent de mourir sous les balles de leurs "libérateurs".


Témoins gênants :

Un reporter britannique de la chaîne ITV est tué le 23 mars 2003, près de Bassorah, victime de ses compatriotes en uniforme : bavure, vengeance ou avertissement ?...

Les jours suivants, les troupes d'invasion s'efforcent de rassembler, puis d'évacuer les journalistes occidentaux dispersés çà et là. Bien que l'esprit critique de la plupart de ces reporters tende vers zéro, ils risquent néanmoins d'être témoins de scènes gênantes et de prendre telle ou telle photo qui ferait mauvais effet en Occident. On a déjà Al-Jazeera sur le dos, c'est bien suffisant.

Début avril, deux correspondants de la télévision portugaise sont arrêtés sans raison, maltraités et séquestrés pendant quatre jours par la soldatesque US : détails.   Et le 8, les Américains règlent son compte à la télé du Qatar : ils tirent sur une de ses voitures après l'avoir contrôlée à un barrage et bombardent le bureau de la chaîne à Bagdad, faisant un mort et un blessé (ils avaient fait la même chose en 2001 à Kaboul).

Une des caractéristiques de cette guerre est précisément que de nombreux journalistes, au lieu de quitter l'Irak comme l'exigeait le Pentagone, sont restés sur place - notamment à Bagdad - pour ne pas rater la partie la plus sensationnelle des "opérations". Ils sont des centaines à rêver qu'ils deviendront du jour au lendemain le Peter Arnett* de 2003. Et ce n'est pas en jouant les auxiliaires de l'armée qu'ils y parviendront.

* Durant la première guerre du Golfe, Peter Arnett était le seul reporter occidental présent à Bagdad. C'est à lui que CNN doit son succès fulgurant de 1991. Entre-temps, les images fixes et les interviews sur fond vert ne se vendent plus aussi bien. La concurrence fait rage. Ce qui, bien entendu, ne signifie pas que l'information soit meilleure ou plus honnête - à de rares exceptions près (Robert Fisk - voir plus haut).   En 2003, Peter Arnett travaille pour NBC, du moins jusqu'au 30 mars, date à laquelle la chaîne le congédie. Motif : dans une interview donnée à la télévision irakienne, Arnett a osé constater l'échec du plan américain visant à éliminer Saddam Hussein dès les premiers jours.  Déjà en 1998, le journaliste avait été renvoyé de CNN pour avoir révélé le gazage par l'armée américaine de GIs passés au Laos pendant la guerre du Viêt-Nam.  Le monde "libre" ne pardonne pas ce genre de libertés.

Force est de constater que les organisateurs du carnage 2003 n'ont plus le contrôle intégral de leurs relations publiques. Menacer la presse de bombarder les hôtels* de Bagdad où elle a pris ses quartiers, ne suffit plus. Et la censure pratiquée aux Etats-Unis s'avère elle aussi inefficace : ce que les networks alignés ne montrent pas est diffusé par les chaînes étrangères ou est disponible sur Internet.

* Le 8 avril, jour noir pour la presse internationale, la menace est mise à exécution : un char américain tire sur l'hôtel Palestine, où sont logés les correspondants étrangers, et détruit le quinzième étage, faisant deux morts et trois blessés. Panique chez les journalistes. Certains se plaignent, disent qu'ils ne mettent pas en cause la légitimité des opérations américaines, mais qu'on aurait quand même pu les avertir dix minutes avant pour qu'ils aillent se mettre à l'abri.  En fait, on les avait avertis près d'un mois à l'avance... Après cette "bavure", ou ce coup de semonce, les représentants des médias comprendront-ils enfin le sort de la population irakienne, que personne ne met en garde avant le début des massacres ? Il est permis d'en douter quand on entend certains des correspondants de guerre excuser l'action des tueurs américains. Ce qui nous console, c'est que le reste de la presse fera la même chose quand ce sera leur tour de se faire endommager collatéralement.

Quant aux autorités irakiennes, elles fournissent aussi longtemps qu'elles le peuvent - c'est-à-dire pendant les deux premières semaines - des informations relativement concrètes et détaillées sur la guerre en cours, ce qui n'avait pas du tout été le cas en 1991. Bagdad semble avoir compris que tenir le monde au courant est le meilleur moyen de s'opposer aux mensonges omniprésents de la propagande américaine et de stimuler la solidarité internationale avec le peuple irakien agressé.

Malheureusement, il est aussi difficile de tenir tête au gigantesque appareil de désinformation de l'Occident qu'à son incroyable puissance de feu. Lorsque commence la "bataille de Bagdad", vers le 3 avril, les porte-parole officiels irakiens changent de tactique et se réfugient derrière des communiqués aussi optimistes que fantaisistes. Finalement, le 9 avril, ils disparaissent avec le reste de l'appareil d'Etat.


Libre-service :

La guerre anglo-américaine ne cause pas seulement des destructions considérables dans tout le pays. Elle est aussi l'occasion pour les envahisseurs de faire main basse sur les richesses culturelles irakiennes - du moins celles qui n'ont pas été endommagées par la guerre précédente ou par celle-ci.

Plusieurs semaines avant le déclenchement de la nouvelle agression, l'American Council for Cultural Policy, une association regroupant des directeurs de musées et de riches collectionneurs, a revendiqué un "assouplissement" des règles en vigueur en Irak pour l'exportation (vers les Etats-Unis) des oeuvres d'art et des trésors antiques. De nouvelles dispositions pourraient être prises "après la fin de la guerre" par le gouverneur militaire américain, permettant ainsi un pillage "légal". C'est ce qu'on appelle aux USA "étendre la liberté du commerce au domaine artistique".

Fameuse idée, qu'on devrait appliquer non seulement aux pays conquis, mais aussi à tous les autres. Pourquoi la privatisation et la mondialisation devraient-elles s'arrêter aux portes des musées ?  Libérons le Louvre des griffes de la bureaucratie étatique (comme Air France ou EDF), rentabilisons, rationalisons, déjocondisons...

Pour ce qui est de l'Irak, chacun sait - et George Bush vous le confirmera - que de toute façon ce pays n'a encore jamais connu de véritable civilisation. Ils disent avoir inventé la roue, la belle affaire... Les USA, eux, ont inventé le B-52.   Et leurs histoires sumériennes vieilles de 5.000 ans, est-ce que ça intéresse encore quelqu'un ?  Non, les Irakiens ont besoin d'autre chose. Il leur faut des films de Rambo à la télé (vous savez, ceux où les Special Forces gagnent la guerre du Viêt-Nam). Et puis des McDo et des Starbucks à tous les coins de rue - boire son café dans un gobelet en carton, c'est ça la vraie civilisation. Leurs vieilleries antiques, ils vont enfin pouvoir s'en débarrasser, et ça va leur rapporter pas mal de dollars - s'il en reste après déduction des frais de stationnement des troupes de libération.

[Le musée archéologique de Bagdad a été mis à sac lors de la "libération" de la ville. On ignore encore s'il s'agit d'un pillage "spontané" ou d'une opération organisée pour le compte des "acheteurs", mettant à profit le chaos général. Sans doute un mélange des deux. Il semblerait en effet que les pièces les plus précieuses, bien que placées à l'abri dans des chambres fortes, aient été volées grâce à la complicité d'employés irakiens connaissant parfaitement les lieux et les mesures de sécurité. En outre, le catalogue du musée (non informatisé) a été totalement détruit, ce qui rendra difficile, voire impossible, une identification des trésors volés. Dans ces conditions, on fait l'économie d'une "réforme" des règles d'exportation. Lire l'article du Réseau Voltaire : Pillages planifiés.

En janvier 2005, on apprend que le site antique de Babylone (près de Hillah, au sud de la capitale) a subi des dommages irréparables depuis que les blindés des barbares américains et polonais y circulent librement - un camp militaire a été établi à proximité.]


Extension du conflit :

Le 22 mars 2003, comme prévu, l'armée turque intervient plus ou moins discrètement dans le nord de l'Irak (elle dément ensuite, tout en confirmant à mi-mot). De la sorte, les conflits futurs sont garantis : Kurdes irakiens contre Turcs, Turcs contre Arabes irakiens, Arabes contre Kurdes... Et les Américains peuvent se frotter les mains : on vous avait bien dit que la région était un baril de poudre et qu'il fallait agir d'urgence...

Le 28 mars, Rumsfeld accuse Damas d'acheminer vers l'Irak des cargaisons d'équipement militaire, et menace d'étendre le conflit à la Syrie. Les Syriens se rebiffent ; leur télévision annonce "le départ de volontaires pour le pays frère afin d'y combattre les criminels anglo-américains".

Le chien enragé du Pentagone menace également l'Iran qui aurait, selon lui, envoyé des combattants dans le nord de l'Irak.

La Jordanie, quant à elle, est déjà mêlée à la guerre. Les USA y ont une base "secrète" à partir de laquelle ils bombardent l'Irak. La dictature d'Amman pourra-t-elle encore longtemps empêcher l'explosion populaire ?

La fuite en avant et la généralisation de la guerre ne semblent pas être exclues de la statégie américaine. Les psychopathes de Wahington veulent-ils à tout prix leur WW3 ?

Si tous les pays menacés par la junte terroriste de Washington coordonnaient leurs politiques et ripostaient en même temps d'une manière ou d'une autre, si la Chine et la Russie se réveillaient enfin, au lieu d'attendre bien gentiment que leur tour arrive, le monde finirait peut-être par venir à bout de cette incroyable arrogance impérialiste, sans précédent dans l'histoire humaine. Si le sursaut salutaire ne se produit pas bientôt, il ne se produira peut-être jamais...

Au fur et à mesure que les succès militaires américains se mutiplient en Irak, il devient évident qu'il n'y aura pas de sursaut. Qui sera la victime - isolée - de la prochaine agression ?

Le 14 avril, alors que la défaite irakienne semble complète, les tueurs américains et leurs acolytes israéliens (qu'ils soient en Israël même ou à Washington) désignent ouvertement la Syrie comme la prochaine cible. Wolfowitz, embedded zionist au sein de la junte Bush et porte-voix de Sharon, utilise contre Damas les "arguments" qui avaient été utilisés contre Bagdad : armes de destruction massive, soutien au terrorisme, etc... Et pour que tout soit clair, Ari Fleischer - selon le lobby officiel AIPAC "Israel's great friend in the White House" - ajoute que "la Syrie est un Etat voyou qu'il convient de punir".

Le ministre israélien de la "Défense" Shaul Mofaz se fait plus précis et "exige le retrait des milices du Hezbollah du sud-Liban". Le Liban n'est pourtant pas une colonie syrienne mais un Etat souverain, et le Hezbollah un parti libanais représenté au parlement de Beyrouth. Peu importe, Damas devrait intervenir militairement au Liban pour y instaurer un régime que dix-huit ans d'occupation israélienne n'ont pu imposer. Et si la Syrie refuse, les USA se chargeront de le faire... On ne saurait dire plus clairement qui fait la pluie et le beau temps sur les rives du Potomac.

La guerre contre l'Irak pouvait encore passer pour une entreprise commune américano-israélienne, tenant compte à la fois des intérêts du grand capital US et de ceux du sionisme. Les guerres qui s'annoncent - contre la Syrie et le Liban - seront totalement différentes : les Etats-Unis y enverront leurs troupes pour le bien exclusif du Grand Israël. La caste politique américaine, à l'exception de quelques hommes de droite comme Pat Buchanan, ne s'inquiète pas le moins du monde de cette nouvelle situation - et les citoyens encore moins, conditionnés qu'ils sont par des décennies de propagande du lobby sioniste.

Les journaux, très discrets sur le sujet, n'en parlent qu'entre les lignes et de façon sporadique. Le quotidien anglais Guardian, par exemple, dans un article du 14 avril, se contente de signaler que la politique étrangère américaine est dominée par des néo-conservateurs qui se donnent eux-mêmes le titre de neo-cons. Mais à la tête de ce groupe si bien nommé, on trouve comme par hasard trois Israélo-Américains proches du Likoud : Wolfowitz, Feith et Perle. Tous trois ont des postes au ministère de la "Défense" - on remarquera au passage que c'est là que se fait la "politique étrangère" de Washington.

Les Américains finiront-ils par comprendre dans quelle galère la junte Bush les a embarqués ?...   Certains l'ont compris : No War For Israel.

Lire aussi Phase Two Begins, un article de Justin Raimondo sur la guerre par procuration.

Dans The Nation, le journaliste juif américain Eric Alterman aborde sans complexes quelques thèmes très vite classés comme "antisémites" lorsqu'ils sont évoqués par un goy : la guerre "juive" contre l'Irak, la mainmise du lobby sioniste sur la presse américaine, la double allégeance judéo-américaine...


Intox :

"On ne ment jamais autant qu'avant les élections, pendant la guerre et après la chasse."
    (Otto von Bismarck - chancelier allemand - 1815-1898)

Le 20 mars 2003, les Américains prétendent que les Irakiens ont tiré des missiles Scud sur le Koweït, sans causer aucune victime ni aucun dégât matériel. Or, on sait que l'Irak ne dispose plus depuis longtemps de ce type d'armement. Il s'agit donc probablement d'une banale opération d'intox, destinée à préparer l'opinion à la "découverte" prochaine d'armes prohibées. Les envahisseurs obtiendraient ainsi une justification a posteriori de leur acte d'agression. Tout bon flic sait que le meilleur moyen de trouver des objects interdits chez un suspect, c'est de les apporter soi-même.

Dans son article The war of misinformation has begun, Robert Fisk nous avertissait dès le 16 mars que le Pentagone aurait recours à de telles méthodes. On nous prépare aussi quelques scoops médiatiques, comme l'accueil des "libérateurs" par la population chiite (avec grains de riz et pétales de roses, conformément à la tradition locale).

Des scènes plus ou moins conformes à ce scénario hollywoodien sont effectivement présentées à la télévision quelques jours plus tard - ont-elles été tournées d'avance ? Quoi qu'il en soit, plus rien de tel les jours suivants, sauf de temps à autre un Irakien isolé qui fait l'éloge des "libérateurs" et voue Saddam aux gémonies - combien a-t-il touché pour sa prestation : 10 dollars, 20 dollars ?...

Le 23 mars, comme il se doit, les envahisseurs "découvrent une usine d'armes chimiques" près de Nadjaf. C'est garanti 100 % vrai, puisque c'est annoncé conjointement par Fox News, la télé-facho de Rupert Murdoch, et par le Jerusalem Post, torchon sioniste du sharognard Richard Perle (fonctionnaire américano-israélien du Pentagone). Vous voyez bien que les inspecteurs n'ont pas fait leur boulot et qu'on a eu raison d'attaquer l'Irak...  Deux jours plus tard, cependant, plus personne ne parle de cette affaire. Pourquoi ?

Les deux premières journées de guerre se sont soldées par une avance "fulgurante" des Américains dans le sud-ouest du pays. Certains journalistes, enthousiastes, parlent déjà de Blitzkrieg ; ils vont vite déchanter. En fait, les forces d'invasion viennent de traverser une zone aride délaissée par l'armée irakienne. Tirant les leçons de 1991, Saddam Hussein évite toute confrontation directe dans le désert et concentre ses troupes dans les régions habitées. Deux jours durant, les bons soldats américains réalisent leur rêve de victoire facile sans affrontement avec l'adversaire.

Là où elles rencontrent quelqu'un, il va sans dire que les troupes alliées font des tas de prisonniers - les premiers Irakiens se seraient même rendus avant le début des "opérations", c'est tout dire. Plus tard, on constate que les "soldats capturés" ne portent pas d'uniformes. Etrange ?  Mais non, mais non, ils se sont déguisés sur ordre de Saddam...

Les hommes de Bush volent de victoire en victoire. Dès le premier jour, ils annoncent la prise (pardon : la libération) d'Oum Kasr, un port du sud de l'Irak. Bien sûr, on les croit sur parole, même si on se demande, quatre ou cinq jours plus tard, pourquoi la bataille fait toujours rage dans cette ville. Même chose pour Bassorah, qui tombe aux mains des envahisseurs... avant que ceux-ci ne la contournent pour poursuivre leur avance. Le 25 mars, les médias font état d'un soulèvement populaire des habitants chiites de Bassorah: c'est le commencement de la fin pour le régime de Saddam. Le lendemain, plus rien... Sorry, le caniche Blair avait pris ses désirs pour des réalités.

Le 23 mars, les "libérateurs" ne sont plus qu'à 90 km de la capitale, le 24 à 60 km, le 25 à 120 km. Le 27, ils ne sont toujours pas arrivés. Il faut croire qu'ils ont pris un taxi irakien pour se déplacer et que le chauffeur en profite pour les arnaquer en leur faisant faire des tours et des détours.

Saddam Hussein n'est pas seulement un tyran, c'est aussi un sorcier doté de pouvoirs surnaturels. Le 20 mars, il meurt dans un bombardement "ciblé" de son quartier général. Le 21, il est grièvement blessé (on a dû lui faire plusieurs transfusions). Le 22, il préside une réunion comme si de rien n'était.

Les baudruches de la propagande anglo-américaine se dégonflent les unes après les autres, semble-t-il.

Le 26 mars, le Pentagone annonce la mort de 500 soldats irakiens dans une bataille livrée près de Nadjaf. Les forces d'invasion s'en tirent avec zéro mort et zéro blessé. Ben voyons...

Toujours le 26, délicate opération de parachutage de troupes américaines dans le nord du pays, au-dessus d'un territoire que les marionnettes kurdes de Washington contrôlent déjà depuis douze ans. Quel exploit, quel courage...

Magnifique succès militaire :

Dès le 25 mars 2003, les Américains renversent Saddam

Le 6 avril, ils remettent ça :

Traduction libre du texte arabe de la deuxième affiche :
" Ne vous fatiguez pas, bande de cons,
sous ce nouveau portrait de Saddam, il y en a encore un autre...
"

Au bout de dix jours de guerre infructueuse, les stratèges du Pentagone nous expliquent pourquoi la conquête de l'Irak se déroule moins vite que prévu : 1) le parti Baas oblige la population à résister et  2) l'armée américaine veut épargner les civils (c'est pour cette raison qu'elle n'en a massacré que 425 depuis le début de l'invasion).

Le 30 mars, les mythomanes britanniques prétendent avoir capturé un général irakien. Le 31, ils démentent ce poisson d'avril prématuré. Toujours le 30 mars, c'est un autre fabulateur, le général américain Myers, qui annonce - tenez-vous bien - la "destruction d'une base d'Al-Qaïda". Il ne manque plus que la capture d'un sous-marin nord-coréen dans les eaux de l'Euphrate.

Le 2 avril, les Américains annoncent qu'ils ont pu libérer une prisonnière blessée qui se trouvaient aux mains des Irakiens.* Auparavant, cependant, personne n'avait jamais mentionné son existence. Bizarre... S'agit-il d'une opération d'intox à usage interne ? Veut-on remonter le moral de la population, faire oublier les nombreux morts et les difficultés des deux premières semaines ?...  Quoi qu'il en soit, pendant plus d'une semaine, on fête la "courageuse héroïne". Les médias américains ne parlent ne rien d'autre. Une nouvelle vague de chauvinisme arabophobe déferle sur les USA. (Cette histoire de "prisonnière libérée par les marines" rappelle celle du sergent Shuman - Good Old Shoe - dans le film Wag The Dog. La seule différence, c'est que dans le scénario de David Mamet, les opérations militaires contre l'Albanie étaient fictives et devaient détourner l'attention du dernier scandale présidentiel, tandis que la guerre contre l'Irak, elle, est bien réelle.)

* Un peu plus tard, on découvrira les dessous de cette affaire. La "prisonnière" en question, Jessica Lynch, 19 ans, n'était nullement "détenue" par les Irakiens, mais soignée dans un hôpital civil de Nassiriya, sans aucune surveillance militaire. Le "sauvetage" de type hollywoodien, mis en scène par les services de propagande, avait bien pour but de réconforter l'Amérique. Transférée en Allemagne, puis aux USA, Lynch n'a jamais pu raconter sa véritable histoire. En août 2003, elle quitte l'hôpital militaire où on l'avait isolée et retourne à la vie civile. Avec l'accord du Pentagone, elle va publier ses mythiques aventures et attendre la sortie de "son" film. Tant qu'elle s'en tiendra au scénario imaginé par ses chefs, elle n'aura aucun souci financier à se faire - comme Monica Lewinsky avant elle.

Le 4 avril, les envahisseurs "découvrent" près de Bagdad "des milliers de boîtes contenant de la poudre blanche". Enfin la "preuve" que le monde entier attendait ?...  Il était temps, on commençait à s'impatienter...

Le même jour, le psychopathe de la Maison Blanche répète pour la énième fois dans un discours que "l'armée américaine est là pour apporter au peuple irakien nourriture, médicaments, paix et liberté". Soixante ans plus tôt, un autre psychopathe, allemand celui-là, n'en était pas lui non plus à un mensonge près, mais il avait au moins la décence de ne pas se présenter comme le "sauveur" des gens qu'il faisait massacrer.

Le gouvernement du Koweït, lui aussi, est préoccupé du bien-être de ses voisins. Il "souhaite qu'à Bagdad, le pouvoir soit remis rapidement entre les mains du peuple irakien, faute de quoi le pays irait au-devant de nombreux problèmes". Et si, à Koweït City, on remettait le pouvoir entre les mains du peuple koweïtien ? Et si on abolissait le despotisme féodal ?... (Les dirigeants d'Egypte et d'Arabie Saoudite font des déclarations analogues, tout aussi pertinentes compte tenu des dictatures qui sévissent dans ces pays.)

Puisque nous en sommes aux citations débiles, n'oublions pas celle-ci, de Blair l'éventreur : "Cette guerre n'a rien à voir avec le pétrole". Bien sûr que non - et Blair n'a rien à voir avec cette guerre...

Retour à l'intox subalterne : le 6 avril, un général de l'armée terroriste américaine annonce la "découverte" d'un "camp d'entraînement terroriste" au sud-est de Bagdad - révélation vraiment très originale et très inattendue... Et un peu plus loin, c'est la mise à jour d'un stock de produits chimiques...  On ne compte plus les versions de ce running gag qui commence à sentir le moisi.

A partir du 9 avril, jour de la "libération" de Bagdad, on peut enfin revenir au scénario officiel concocté par les services de désinformation du Pentagone : les GIs accueillis à bras ouverts, la statue de Saddam renversée, son portrait foulé aux pieds, la "foule en liesse"... Hélas, dès que la caméra fixe, zoomée sur les quelques figurants, a le malheur de passer en totale, on voit pendant un très court instant le vide qui entoure cette cérémonie médiatique. Rien d'étonnant à cela. En mai 1940, les Parisiens ne sont pas non plus allés en masse aux Champs-Elysées pour y accueillir les Boches avec des bouquets de fleurs.

Le 10 avril, nouveau gag de propagande : l'amputé du cerveau de la Maison Blanche et son caniche londonien "parlent en direct" aux Irakiens pour leur expliquer qu'ils viennent de les "libérer". Bien entendu, les intéressés ne reçoivent pas ces images, puisque la télévision a été détruite au préalable et qu'il n'y a pratiquement pas de courant électrique. De toute façon, si les Bagdadis pouvaient voir les deux tueurs en chef, ils accorderaient autant d'importance à leurs élucubrations télévisées qu'aux tracts de propagande largués avant le début de l'agression. Le niveau de la guerre psychologique américaine ne dépasse pas le niveau mental du "président" et de beaucoup de ceux qui le soutiennent.

Quelques jours plus tard, Rumsfeld répond à un journaliste qui lui demandait pourquoi on n'avait toujours pas trouvé d'armes de destruction massive en Irak : "Nous faisons la guerre, nous n'avons pas le temps de nous occuper de ça..." Le chef du Pentagone essaie-t-il d'imiter Bush ou est-il tout simplement gâteux ?


Chauvinisme et intégrisme - les deux mamelles de l'Amérique :

La propagande officielle, complaisamment colportée par nos journalistes, nous montre le peuple américain serrant les rangs autour de son président et oubliant ses dissensions internes - comme toujours dans les heures difficiles. Quelle merveilleuse image, quelle originalité. Mon Dieu, j'en ai les larmes aux yeux...

A l'époque du Reich millénaire, les "patriotes" allemands utilisaient des slogans comme "Ein Reich, ein Volk, ein Führer !" (un Reich, un peuple, un Führer) ou encore "Führer befiehl, wir folgen Dir" (Führer ordonne, nous te suivons).

Mais ce genre de "patriotisme" n'étant jamais suffisant pour assurer la victoire finale, on a pris la décision, aux Etats-Unis, d'instituer une "journée exceptionnelle de prières et de jeûne pour attirer la bénédiction de Dieu sur les soldats américains engagés en Irak et pour que la Providence protège notre peuple du risque d'attentats" - amen... Les nazis, eux, s'exprimaient de façon nettement plus concise. Sur les boucles des ceinturons des soldats allemands, on pouvait lire tout simplement : "Gott mit uns" (Dieu avec nous).

La dernière fois qu'un président américain a décrété un jour de prière, c'était en 1863, pendant la Guerre de Sécession. 140 ans à l'échelle de l'histoire américaine, cela correspond en Europe à environ 1000 ans. Ce qui nous ramène à peu près à l'époque de la première croisade.

Car c'est bien de croisade* qu'il s'agit, quand Bush déclare dans un discours (dont l'auteur semble être l'illuminé John Ashcroft, ministre de la "Justice") : "La liberté que nous apportons au monde est un don du Ciel." Ou encore : "Nous luttons pour que le Bien triomphe de l'axe du Mal."

* En octobre 2003, un haut fonctionnaire du Pentagone, le général William Boykin, dira : "La guerre contre le terrorisme est un affrontement entre les valeurs judéo-chrétiennes et Satan."

Et on viendra nous dire que le djihad est un phénomène musulman...

Lénine, en 1917, avait créé la formule : communisme = pouvoir des soviets + électricité. Bush, en 2003, nous propose une formule autrement plus séduisante : ordre nouveau = obscurantisme médiéval + armes ultra-sophistiquées.

Et puisque GWB ne tire pas sa légitimité d'une élection démocratique, le fondamentalisme archaïque, qui s'incruste de plus en plus dans la société américaine, va finir par faire de lui une sorte de monarque de droit divin, un King George by the Grace of God, comme Louis Capet ou Elisabeth Windsor. Personnellement, Bush est déjà convaincu d'être guidé par le Tout-Puissant. Le général Boykin, cité plus haut, est du même avis (comme le rapporte le Telegraph du 17 octobre 2003) : "Pourquoi cet homme est-il à la Maison Blanche ? La majorité ne l'a pas élu. Il est à la Maison Blanche parce que, en ces temps difficiles que nous traversons, Dieu a choisi de l'y mettre."

Le Congrès des Etats-Unis - à quelques exceptions près une assemblée de multimillionnaires - approuve son "président". L'opposition politique y est pratiquement inexistante ; l'opposition à la guerre, dans la mesure où elle existait, s'est sabordée. Ce parlement soi-disant souverain ressemble de plus en plus à son pendant irakien sous Saddam. Le culte du "chef" n'y est pas encore aussi virulent qu'à Bagdad, mais on fait tout son possible pour y parvenir. En mars 2003, même les prétendues colombes se mettent au garde-à-vous et agitent leurs petits drapeaux. Voici quelques exemples illustrant cette "union sacrée des patriotes":

  • Barbara Lee, députée démocrate de Californie, qui avait été la seule en septembre 2001 à voter contre les lois d'exception, écrit maintenant sur son site Internet : "Mes pensées et mes prières vont à nos soldats... Que Dieu les garde et leur permette de rentrer sains et saufs..."

  • Jim McDermott, député démocrate de l'Etat de Washington, qui voulait attaquer George Bush en justice pour l'empêcher de faire la guerre, déclare : "J'aime mon pays, et j'assure de mon soutien tous les jeunes soldats qui recevront l'ordre de partir au combat."

  • Nancy Pelosi, présidente du groupe démocrate à la Chambre des Représentants : "Nos soldats sont mus par un profond amour de leur pays ; ils sont prêts à aller jusqu'au sacrifice ultime... Chaque Américain doit à ces patriotes une éternelle reconnaissance."

  • Pat Buchanan, ex-républicain, ex-conseiller de Ronald Reagan et adversaire de George Bush père aux primaires de 1992, ne siège pas au Congrès, mais est assez écouté aux Etats-Unis. Jusqu'à une date récente, il était le leader des conservateurs anti-guerre. En mars 2003, il écrit : "Lorsque les soldats américains affrontent la mort sur le champ de bataille, le peuple américain s'unit derrière eux. C'est pourquoi j'ai cessé toute polémique sur la guerre."

Comme en 14...   Avec de tels "dirigeants pacifistes", les vrais partisans de la paix ne peuvent compter que sur leurs propres forces ou se préparer au pire.

Propagande militariste outrancière, fanatisme guerrier, apologie du crime organisé, totalitarisme croissant de la société, censure volontaire ou imposée, répression, chasse aux sorcières renaissante : voilà ce que doivent affronter quotidiennement les adversaires de la politique de Bush. Un pays s'enfonce peu à peu dans la démence...  Pour comprendre comment les Allemands ont pu se laisser entraîner vers la catastrophe dans les années 1930-40, il suffit d'observer les Etats-Unis en ce début de 21ème siècle.

L'homme de la rue s'en prend à des gens, à des pays dont il ignore tout. En 2002, avant que n'éclate l'hystérie contre la "vieille Europe", le correspondant d'une chaîne de télévision allemande s'était amusé à tester, à New York, les connaissances géographiques des passants. Il demandait aux personnes interrogées de situer l'Irak sur une carte muette qu'il leur présentait. Sur une dizaine de candidats, pas un seul n'a été en mesure de donner la bonne réponse. Le plus perspicace a désigné l'Iran ; les autres ont posé le doigt sur l'Inde, l'Ukraine, la Roumanie, la Turquie, etc... Le même "sondage" effectué en mars 2003 aurait probablement valu à son auteur de se faire lyncher.

Une Américaine qui a vu notre site (elle enseigne le français aux Etats-Unis), nous a envoyé un e-mail indigné. Bien que connaissant la France, et sans doute plus nuancée dans ses opinions que la moyenne de ses compatriotes, elle déplore pourtant "l'arrogance, l'ingratitude et le manque de moralité des Français" à l'égard des Américains, pour toutes les questions touchant le 11 septembre et l'Irak.  "Vous êtes des fous ! Vous devriez avoir honte ! On vous a sauvés TANT DE FOIS !..." proteste-t-elle. On imagine sans peine ce qu'elle doit penser des Irakiens (qui refusent de se laisser sauver ne serait-ce qu'une seule fois).

Un peu plus tard, un de ses amis, à qui elle a traduit quelques passages jugés particulièrement "scandaleux", attaque à son tour. Sans aborder le fond du sujet, il affirme que le fait d'insinuer que des Américains pourraient être impliqués en quoi que ce soit dans les attentats du 11/9, constitue une "insulte" et un "signe de mauvaise éducation". Il ajoute que cette "calomnie antiaméricaine" et "la complicité française avec le régime de Saddam" ont deux causes. Tout d'abord, les Français éprouvent un certain malaise, un certain ressentiment vis-à-vis de l'Amérique, du fait qu'ils lui doivent leur liberté et que leur fierté nationale les empêche de l'admettre ouvertement. Ensuite, la France est infestée de 5 milllions d'Arabes (sic) qui sont prêts à intervenir si le gouvernement soutient les Américains. Pour s'en convaincre, il suffit de voir les graffiti du métro parisien, qui comme chacun sait sont l'oeuvre des Arabes.

Généralisation hâtive, absence d'esprit critique vis-à-vis de son propre gouvernement, défense acharnée de tabous, ignorance, préjugés et insultes racistes : il n'y manque aucun ingrédient du chauvinisme pseudo-patriotique. Ce qui, vu de loin, pourrait passer pour une opinion isolée et saugrenue, est en fait l'expression de cette idéologie simpliste et dévastatrice qui s'est emparée de l'Amérique depuis 2001, prônant le "choc des civilisations" et criant : " Qui n'est pas avec nous, est contre nous ! "

Il suffit que le gouvernement désigne l'ennemi à abattre pour que les foules se mettent à scander : " A mort ! " et qu'elles partent accomplir leur "mission salvatrice" dans des contrées lointaines dont elles ne connaissent rien.

De très nombreux Américains sont sincèrement convaincus que le monde doit son salut aux Etats-Unis et qu'il est par conséquent tout à fait naturel que la planète entière leur manifeste sa reconnaissance. Un refus de se plier à ce dogme est un signe d'antiaméricanisme, une manifestation du Mal, et doit donc être puni. Nous en revenons au thème de la croisade.

Aux USA, l'endoctrinement commence dès le plus jeune âge : lire ici un article d'Andrew Gumbel, correspondant en Californie du quotidien britannique The Independent.

"Croyez des absurdités, et vous commettrez des atrocités", disait Voltaire.

Combien de temps, combien de guerres, combien de morts américains faudra-t-il, pour que la majorité belliqueuse comprenne qu'on la mène en bateau ?

[ Quelques jours avant le début de l'agression, le journaliste, auteur et réalisateur américain Michael Moore (Stupid White Men, Bowling for Columbine) remettait les choses en place dans une lettre adressée à celui qu'il appelle le gouverneur George Bush - c'est le dernier titre acquis légalement par l'imposteur qui se fait passer pour le président des Etats-Unis. ]

Credo américain


Bonnes nouvelles :

Il peut paraître difficile d'en trouver dans une guerre aussi injuste et aussi inégale que celle-ci, mais il y en a cependant.

Première bonne nouvelle : un hélicoptère américain a été détruit dans le sud de l'Irak, peut-être abattu par la défense irakienne, ainsi que l'annonce Yahoo France le 20 mars 2003, dès 22 h 42. Plus tard, les services de propagande anglo-américains parlent d'accident, comme toujours en pareil cas. Un officier britannique prétend même que l'appareil s'est écrasé à 3 heures du matin, heure locale (1 heure du matin à Paris). Autrement dit, Yahoo a fait connaître la destruction de l'hélicoptère plus de deux heures avant qu'elle ne se produise : un exploit journalistique...  Mais finalement, peu importe la cause du "crash" ; seize salopards de moins, c'est déjà ça. Des centaines de millions de gens iront cracher sur les tombes de ces tueurs en regrettant seulement que Bush, Rumsfeld, Blair et consorts ne se soient pas trouvés à bord de l'hélico.

Le 21 mars, nouvel "accident" aérien : sept soldats britanniques meurent dans la "collision" de deux hélicoptères, sept mercenaires de plus en train de griller là où il voulaient envoyer Saddam. Parfait, pourvu que ça continue comme ça...

Ça continue : le 23, c'est un avion Tornado de la RAF qui est détruit. Pas par la défense irakienne, vous n'y pensez pas, mais par un tir de missile Patriot. Tans pis, ne soyons pas trop regardants, c'est le résultat qui compte.

Egalement le 23, encore un acte d'auto-nettoyage, au Koweït cette fois : des grenades explosent dans la zone de commandement d'un camp US. Bilan officiel : deux morts et douze blessés ; bilan réel inconnu. Coupable officiel : un sergent américain de confession musulmane.

Le même jour, la télévision de Bagdad et la chaîne Al-Jazeera du Qatar montrent des photos de mercenaires américains tués au combat:

     
Ils n'agresseront plus personne


Encore invincible deux jours plus tôt


" A quand mon tour ? "


" Laissez venir à moi les petits GIs... "


Aux Etats-Unis, patrie de la "liberté", toutes les images montrant des soldats américains morts ou prisonniers sont formellement interdites à la télévision et dans les journaux. Pendant l'agression américaine de 1993 en Somalie (500 victimes somaliennes, 18 envahisseurs tués), la télévision avait diffusé des images choquantes pour le public américain, notamment une scène montrant un GI mort traîné derrière une voiture. Du jour au lendemain, le soutien populaire à la guerre commencée par George Bush père et poursuivie par Bill Clinton, avait chuté de manière si impressionante, que le président avait dû ordonner un retrait immédiat des forces américaines. Cette réaction salutaire ne doit en aucun cas se reproduire en 2003.

Pour s'informer, les Américains critiques - il y en a de plus en plus, malgré le bourrage de crâne ininterrompu - ont recours à Internet. Il devient donc urgent, pour le pouvoir, de se donner les moyens techniques pour contrôler et censurer cette inépuisable source d'information libre. Grâce au multimilliardaire Bill Gates et à beaucoup d'autres cyberterroristes du même acabit, Bush y parviendra peut-être à l'occasion d'une des prochaines guerres. En attendant, la junte de Washington prend des mesures administratives pour étendre au Web le domaine du "secret défense".


Le 24 mars 2003, l'Irak annonce avoir abattu deux hélicoptères Apache. L'un d'eux a été détruit près de Karbala. L'autre, présenté à la télévision, aurait été endommagé en vol par un coup de fusil tiré par un paysan et contraint de se poser avec tous ses missiles dans le district d'Hindiya, à 120 km au sud-ouest de Bagdad. Les deux Américains qui se trouvaient à bord sont prisonniers.

Leurs photos sont montrées dans le monde entier sauf aux Etats-Unis et dans quelques pays satellites. Le lendemain, certaines chaînes françaises, s'aplatissant devant le Pentagone, diffusent des images "floutées" pour "protéger les intéressés". Dans un effort dérisoire pour satisfaire les maîtres du monde, des larbins empressés "dissimulent" ce que chacun peut voir presque partout.

L'opinion publique en Irak et dans le monde entier, y compris aux Etats-Unis, a parfaitement le droit de voir les visages de ces salauds, de connaître leur identité et de savoir combien de missiles ils ont lancé sur la population irakienne entre le 20 mars et le jour où ils ont été mis hors d'état de nuire. Mais les propagandistes français de la grande busherie préfèrent nous emmerder avec des scènes larmoyantes de mères et épouses américaines "touchées par le destin". C'est tout simplement ignoble et répugnant, quand on songe aux victimes de ces tueurs.

Le 25 mars, on apprend que deux autres mercenaires anglais ont été tués par leurs propres collègues, portant à 18 le total des pertes britanniques de ce sympathique friendly fire - tuez-vous les uns les autres, et foutez la paix aux Irakiens. Les Américains, eux, auraient déjà perdu 20 hommes. En outre, 16 Anglo-Américains sont portés disparus: Ils ont peut-être déserté - ou choisi la liberté, pour employer l'expression consacrée.

Toujours le 25, un F-16 américain tire "par erreur" sur une batterie Patriot. C'était probablement pour se venger de la "bavure" inverse survenue le 23 (Patriot descend Tornado - voir plus haut). La vendetta est ouverte ; nous attendons le coup suivant avec impatience.

Le 26 mars, les Anglais testent une variante de ce passionnant petit jeu. Cette fois, c'est un de leurs chars qui s'offre amicalement un blindé ami à l'aide d'un gentil missile : un magnifique carton retransmis à la télé. A peu près au même moment, deux autres chars "alliés" sont détruits par les Irakiens. Bien entendu, les occupants s'en tirent sains et saufs - le contraire eût été étonnant.

Le lendemain, c'est d'abord un hélicoptère Apache qui se fait descendre par les forces irakiennes, puis deux drones sans pilote. Un poste de commandement américain est ensuite pilonné par sa propre artillerie - on commence à se demander si Saddam n'a pas infiltré les forces US.

Le 28 mars, près de Nassiriya, un marine est écrasé par un char américain. Quatre de ses collègues sont tués par les Irakiens, tandis qu'à Nadjaf, les envahisseurs perdent une trentaine de blindés. Près de Bassorah, un soldat britannique est tué et trois autres blessés à l'occasion de "tirs amis" de l'aviation américaine.

Le 29, au nord de Nadjaf, l'Irakien Ali Al-Nomani accueille à sa façon cinq "libérateurs" américains en faisant exploser une voiture piégée en leur présence. Ils meurent sans pétales de roses ni grains de riz : cinq salauds de moins, un martyr de plus (Al-Nomani était chiite, c'est-à-dire membre de ce groupe religieux - majoritaire - soi-disant opprimé par Saddam). Les Irakiens, pour leur part, font état de onze mercenaires tués.  [Cette forme de résistance que les terroristes anglo-américains osent qualifier de "terrorisme", se reproduit encore quelques fois en divers endroits, par exemple le 4 avril, près de Haditha - au moins trois mercenaires liquidés - et même à Bagdad après l'entrée des troupes d'invasion.]

Bilan officiel des agresseurs tués du 20 au 29 mars : au moins 36 Américains et 22 Britanniques + 16 Américains "disparus". Le chiffre réel est probablement beaucoup plus élevé, mais cependant très inférieur à celui des victimes civiles irakiennes (425 durant la même période), sans même parler des soldats irakiens morts en défendant leur pays (le chiffre n'a pas été communiqué).

Le 30 mars, dans une base militaire au Koweït, un chauffeur de camion écrase un groupe de soldats américains. Il y aurait 15 blessés et aucun mort (bilan réel inconnu). En Irak, on annonce que deux hélicoptères américains ont été abattus près de Bassorah et à Khazaf (au moins quatre morts).

Bilan officiel en date du 2 avril, après deux semaines de guerre : 47 Américains et 27 Britanniques tués + 16 "disparus". L'état-major, toujours optimiste et faisant confiance aux chiffres officiels, aurait commandé plusieurs milliers de body bags pour ses boys.  Américains, engagez-vous, Oncle Sam a besoin de vous...

Curieusement, depuis quelques jours il n'est plus du tout question de friendly fire. Le Pentagone a dû donner des consignes strictes pour que soient passés sous silence ces joyeux incidents, si démoralisants pour les pauvres familles de tueurs et pour tous les fans de la grande busherie.

Le 2 avril, près de Karbala , les Irakiens abattent un avion américain F-18 et un hélicoptère Black Hawk (au moins sept morts).

Le 6 avril, on lève provisoirement le black-out touchant les "tirs amis". On peut se le permettre puisque les heureuses victimes sont des collabos kurdes. Près d'Erbil, une frappe chirurgicale américaine réussie tue 18 peshmergas, ces fameux combattants d'opérette, et en blesse 45. Les survivants resteront éternellement reconnaissants à leurs sauveurs yankees. Et le premier ministre turc s'apprête sans doute à envoyer un message de félicitations et de remerciements à George Bush.

Le 15 avril, le Pentagone fait savoir que la "coalition" a eu au moins 152 tués depuis le 20 mars (USA : 121 ; GB : 31). Les chiffres réels sont certainement plus élevés.


Captifs :

Le 23 mars 2003, jour à marquer d'une pierre blanche, la télévision irakienne présente les premiers prisonniers américains :

             

Chose étrange, ils n'ont plus cet air de supériorité arrogante qu'ils avaient trois jours plus tôt. Comment est-ce possible ?  Leur président leur avait dit qu'ils seraient accueillis à bras ouverts par la population. George Bush se serait-il trompé ? Il n'a quand même pas menti ?... Comme les mercenaires de la Baie des Cochons (Cuba 1961), comme beaucoup d'autres avant et après, ils ne comprennent plus. Le choc est profond - pour eux et pour "toute l'Amérique".

Il est même si profond que l'assassin en chef Donald Rumsfeld ne ricane plus, et que Bush a la gueule de bois.

Mr. "President" a dû écourter son week-end à Camp David et rentrer en catastrophe à la Maison Blanche. Après que sa conseillère Condom Leezza l'ait consolé, il se ressaisit et récite devant les caméras le beau discours qu'elle lui a préparé. "Saddam perd le contrôle de l'Irak", explique-t-il. Et de lancer une "mise en garde" au "dictateur" : "Traitez les prisonniers humainement, respectez la Convention de Genève. Sinon vous répondrez de crimes de guerre..."

Aussi "humainement" qu'à Guantánamo, sans doute, où Rumsfeld met les "talibans" en cage entre deux séances de torture ?  Aussi "humainement" qu'en Irak, où les captifs de l'Empire doivent passer des heures à genoux, les mains liées dans le dos, une cagoule sur la tête ?  Il est vrai qu'il s'agit de "dangereux criminels" : au lieu de se jeter aux pieds de leurs "libérateurs", ils ont osé défendre leur pays contre l'invasion.

   

Quant à la Convention de Genève, le criminel de guerre texan la connaît bien : il en a fait imprimer le texte sur le rouleau de papier qu'il utilise tous les matins dans sa salle de bain - pas seulement la Convention de Genève, d'ailleurs, mais tous les autres traités internationaux par la même occasion...

Tout à fait dans le style Bush, le quotidien Sun, torchon de Rupert Murdoch à l'usage des cro-magnons anglais, titre à la une sous une photo des prisonniers américains : " A la merci des sauvages ! "

On apprend au passage que la Croix-Rouge Internationale (CICR) a protesté contre la diffusion d'images montrant les prisonniers. Il faut respecter la dignité humaine... La "dignité humaine" de salopards qui font 12.000 kilomètres pour tuer des civils qui ne leur ont rien fait.* A-t-on jamais entendu la Croix-Rouge protester contre une agression militaire ?...   Le 2 avril, pour bien confirmer ce que le CICR entend par "neutralité", un porte-parole de cette organisation déclare à Genève : "Nous souhaitons rappeler de façon urgente à toutes les parties dans ce conflit leur obligation absolue de tout faire pour protéger les civils". Avis aux Irakiens : cessez de massacrer des civils américains. On croit rêver...  Deux jours plus tard, le CICR se plaint de ne pouvoir rendre visite aux soldats américains prisonniers. C'est bien regrettable, en effet : l'état-major devra trouver autre chose pour apprendre à quel endroit ils sont détenus.

* Il faut rappeler que tous les soldats de l'armée d'invasion ont librement choisi de devenir mercenaires. Personne ne les y forçait. Ni aux USA, ni en Grande-Bretagne, le service militaire n'est obligatoire. Quand on endosse l'uniforme, c'est souvent pour pouvoir commettre en toute impunité des actes normalement passibles de la chaise électrique - un certain Nick Boggs, assassin de 21 ans, déclare se sentir "plus mûr" depuis qu'il a tué son premier Irakien, un enfant de 10 ans. Timothy McVeigh, l'exécutant de l'attentat d'Oklahoma City de 1995, avait commencé sa carrière de la même façon pendant la guerre du Golfe de George Bush père...     Mais bien sûr, les gens qui s'engagent dans l'armée ne le font pas tous par perversion. Certains peuvent avoir des motifs purement financiers (c'est la définition même du mercenaire). Pourtant, si le chômage et la misère des ghettos expliquent certaines décisions, ils n'excusent rien, surtout pas si l'on applique les critères moraux de la junte de Washington. Si vous participez à l'attaque d'une banque et que quelqu'un est tué, même si ce n'est pas vous qui avez tiré, personne ne vous pardonnera - ni juridiquement ni moralement - sous prétexte que vous êtes pauvre.
Lire dans cet article du magazine allemand Der Spiegel comment GIs et marines apprennent à tuer.


Il y a d'ailleurs fort à parier que les quelques prisonniers de guerre américains sont bien traités* par l'Irak, puisqu'ils constituent le cas échéant une monnaie d'échange. Ils reçoivent peut-être même une meilleure nourriture que les soldats irakiens - meilleure de toute façon que celle à laquelle ils sont habitués.

* Le 13 avril, les prisonniers sont récupérés sains et saufs, après que l'armée irakienne - en voie de décomposition - les aient relâchés.

On ne peut malheureusement pas en dire autant des milliers de captifs irakiens. Combien d'entre eux sont des militaires, et combien d'entre eux des civils arrêtés au hasard par les envahisseurs (voir plus haut), on ne le saura sans doute jamais.

Le 27 mars, rendus furieux par la résistance irakienne et désireux de détourner l'attention de leurs crimes de guerre, les tueurs américains reprochent à Bagdad d'avoir "exécuté des prisonniers". Ils ajoutent qu'ils sont en train de "rassembler des preuves". C'est sans doute Blair, le spécialiste du bidonnage, qui va s'occuper de la question.

Le 29, on apprend que cinq soldats anglais ont été faits prisonniers près de Bassorah. La presse clonée écrit qu'ils ont été "enlevés". Downing Street devrait porter plainte.


Résistance irakienne :

"It's not easy to win the trust of Iraqi people"
    (un porte-parole du Pentagone, le jour du massacre d'Al-Choula, à Bagdad - 62 civils tués)

Les stratèges du Pentagone promettaient une guerre courte, très courte - ce qui pouvait sembler plausible compte tenu de l'écrasante supériorité matérielle des agresseurs.  A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire...

Pourtant, cinq jours seulement après le début de l'invasion, la victoire ne semble déjà plus si proche et le péril est plus grand qu'on ne le croyait ; le triomphe et la gloire se font attendre. Le peuple irakien résiste au lieu d'accueillir ses nouveaux maîtres à bras ouverts, et l'armée de Saddam n'a toujours pas capitulé, comme le voulaient les "experts". Lorsque des soldats "se rendent", c'est souvent pour attirer les envahisseurs dans une embuscade. Et au lieu de fuir en masse, les combattants reçoivent des renforts de volontaires venus de Jordanie. Plutôt que d'affronter de face un ennemi infiniment plus puissant, l'armée irakienne adopte le plus souvent des méthodes de guérilla et de harcèlement.

Les millions de réfugiés annoncés par la presse restent invisibles. Ils auraient été si pratiques pour donner à la guerre sa justification "humanitaire". La population reste sur place, et beaucoup d'Irakiens de l'étranger rentrent même au pays. A Bagdad et dans d'autres villes, le gouvernement aurait fait distribuer des armes légères aux civils.

La nervosité gagne les Anglo-Américains. On parle d'erreurs stratégiques, on cherche des responsables. A qui va-t-on faire porter le chapeau ?...  On accuse aussi les Russes d'aider secrètement l'Irak, de lui fournir du matériel électronique destiné à brouiller les signaux GPS qui téléguident les missiles américains - si seulement la chose pouvait être vraie. Quand on ne sait plus quoi dire, on déplore le mauvais temps, la tempête de sable.

Le 26 mars 2003, les 300.000 hommes sur place étant incapables de venir à bout de la petite armée irakienne, les Américains annoncent l'envoi de 30.000, puis de 100.000 soldats supplémentaires. Un responsable déclare que le conflit pourrait durer des mois. "Aussi longtemps qu'il le faudra", renchérit le boucher de la Maison Blanche - comme au Viêt-Nam ?...

Le 28 mars, Yahoo France écrit à propos d'un groupe de marines: "Ils avaient espéré une sorte de course sur Bagdad, un déferlement vers la capitale sans l'ombre d'une résistance, dans une vague de bombardements qui auraient ébranlé les plus résistants. Au lieu de cela, ils ont été la cible de tireurs embusqués, ont été bloqués dans une tempête de sable et se sont enlisés pendant plusieurs jours dans une portion de désert infestée de moustiques hostiles."   Comme dirait l'autre : si j'aurais su, j'aurais pas venu.

Huit jours après le début de l'invasion, l'échec de la guerre éclair apparaît dans toute sa splendeur.

A Bassorah, dans le sud du pays, Rumsfeld avait prévu un siège de courte durée et pensait qu'un soulèvement de la population chiite éclaterait aussitôt, permettant aux "libérateurs" américains d'entrer dans la ville en triomphe, acclamés par les habitants. En fait, le chef terroriste du Pentagone a été pris au piège de sa propre propagande. En Irak, les chiites sont partout ; ils représentent près des deux tiers de la population et se sentent avant tout irakiens. Il existe bien une minorité intégriste manipulée ou influencée par l'Iran, mais il ne faut pas compter sur elle pour pactiser avec les Américains. Lorsque Rumsfeld s'est aperçu de sa méprise, sa vengeance a été terrible. Les bombardements ont causé à Bassorah des dégâts considérables et de très nombreuses victimes.

Près de deux semaines après le déclenchement de cette guerre qui devait durer moins de six jours, les agresseurs ne contrôlent aucune ville, pas même Oum Kasr, qui selon eux n'est pas encore suffisamment "sécurisée" pour accueillir des navires commerciaux.

Faiblesses stratégiques de Rumsfeld, premiers cas d'insubordination parmi les mercenaires, résistance populaire et fedayins, barbarie américaine : L'Irak, Viêt-Nam du 21e siècle ? (article du 2 avril)

Le 4 avril (un vendredi), à Nadjaf, les envahisseurs américains tentent de pénétrer dans la mosquée d'Ali. Des centaines de civils sans armes empêchent la profanation de ce haut lieu de la religion chiite (Ali, gendre et cousin du prophète Mahomet fut le fondateur du chiisme dont Nadjaf est une des villes saintes).

Le 7 avril, lorsque que la supériorité anglo-américaine semble rendre imminente la défaite irakienne, certains sont d'un autre avis : Les Américains exposés au feu sur 400 km. On aimerait partager leur optimisme.

Une semaine plus tard, alors que Bagdad est tombée sans combattre et que les Américains fêtent leur "victoire", on est en droit de se poser quelques questions. Pourquoi la bataille pour la capitale n'a-t-elle pas eu lieu ? On avait pourtant annoncé qu'elle serait longue et dure. La ville de Bassorah a résisté deux bonnes semaines, pas Bagdad : pourquoi ?... La fameuse Garde républicaine s'est-elle volatilisée ? Existait-elle vraiment ?... Des rumeurs font état d'une trahison, d'un arrangement secret. Les spéculations vont bon train. Sans vouloir s'y associer, il faut admettre que des événements essentiels ont dû se produire à Bagdad après le 3 avril sans qu'il soit encore possible de dire lesquels. L'avenir apportera peut-être des éclaircissements.*

Pour ce qui est de la résistance visible après la "conquête", il semblerait qu'elle commence à se former autour des forces religieuses, comme l'ont montré les premières manifestations populaires.

* Quatre ans et demi plus tard, Stephen J. Morgan pense que Les États-Unis ont utilisé une bombe à neutrons pour s'emparer de l'aéroport de Bagdad - détails.


Drapeau national :

Les Irakiens ne changent pas de drapeau aussi souvent que les Afghans, c'est vrai, mais ils font ce qu'ils peuvent. Encourageons-les.


Le drapeau irakien jusqu'au 20 mars 2003


Le drapeau irakien depuis cette date


Résistance internationale :

Un manifestant de New York à un reporter de la télévision canadienne RDI, qui lui faisait remarquer que les pacifistes étaient "minoritaires" : "Si notre gouvernement consacrait plus d'argent à l'éducation, il y aurait moins de gens stupides pour soutenir la guerre, et on n'en serait pas là..."   Ce qui prouve bien que les coupes budgétaires sont doublement utiles au gouvernement.

Malgré tout, des millions d'Américains manifestent contre la guerre. Mais aux Etats-Unis, pays de la "liberté", des "droits de l'homme" et de la "démocratie", les rassemblements sont brutalement réprimés, notamment à San Francisco où plus de 2.000 personnes sont arrêtées par la police (on ne va pas pouvoir envoyer tous ces gens à Guantánamo ; il va falloir ouvrir un nouveau camp sur place). A New York, les pacifistes bloquent les rues aux heures de pointe en se couchant sur la chaussée.

Le terroriste et criminel de guerre de la Maison Blanche reste sourd aux protestations de ses compatriotes, comme il reste sourd aux protestations du monde entier - débushons-lui les oreilles.

Au Canada, le premier ministre Jean Chrétien semble, lui, avoir entendu ses concitoyens. Le pays, déclare-t-il, ne participe pas à la guerre américaine. Tout le monde le croit, jusqu'à ce qu'on apprenne, le 27 mars 2003, que des militaires d'Ottawa se trouvent à bord des avions AWACS américains impliqués dans la guerre, et que trois frégates canadiennes sont au Koweït. Chrétien suit donc la même tactique hypocrite que son homologue allemand. On n'a pas fini de manifester à Montréal (200.000 personnes le 22 mars).

La vague anti-guerre qui secoue le monde depuis le début de l'agresssion ne laisse pas Paris indifférent : 150.000 personnes descendent dans la rue. Au cours de la manifestation parisienne, cependant, on assiste à des provocations montées par les fascistes franco-israéliens du Bétar, sous couvert d'une organisation pseudo-pacifiste bidon.* But évident de la manoeuvre : créer des incidents "antisémites", semer la zizanie entre les manifestants "arabes" et les autres, et suggérer que la lutte pour la paix est synonyme de soutien à Israël - comme en 1991. Les jounaux alignés, déçus de voir que les Français s'opposent en masse à l'agression américaine, n'attendent que cette occasion pour lancer leur campagne de diversion.

* Elle porte le même nom qu'une ancienne organisation sioniste de gauche dont certains membres ont joué, 60 ans plus tôt, un rôle actif dans le soulèvement du ghetto de Varsovie.

Car chaque nouveau sondage voit augmenter le taux d'hostilité à la guerre : le 21 mars, on en était à 87 %. Les bellicistes sont de plus en plus isolés, ils ne dominent plus que la presse et les médias. A la télévision, le sharognard Arno Klarsfeld* (sujet israélien depuis septembre 2002) fait pourtant piètre figure face à Jean-Pierre Chevènement, un homme qui sait parfaitement ce qu'est la guerre et l'agression, puisqu'il était ministre de la "Défense" en 1991 et qu'il a démissionné pour ne pas être complice de George Bush père. La minable prestation de Klarsfeld a montré qu'il ne suffit plus, en France, de répéter sans cesse des "arguments" éculés et d'aboyer bien fort pour terroriser ceux qui pensent différemment. Lorsque les fanatiques de la busherie américaine doivent affronter leurs contradicteurs à armes égales, et non à cinq contre un comme c'est le plus souvent le cas, ils n'ont plus la moindre chance d'être pris au sérieux.

* Dans les années 1960, les parents d'Arno Klarsfeld pourchassaient les criminels nazis devenus membres honorables des sociétés occidentales d'après-guerre. Sa mère, Beate Klarsfeld, était devenue célèbre du jour au lendemain après avoir giflé en public le chancelier fédéral allemand et ancien nazi Kurt Georg Kiesinger. Quarante ans plus tard, les hitlériens authentiques ne courent plus les rues. S'ils vivent encore, ils ont 85 ans et plus, l'âge de Papon. On se rabat donc sur d'imaginaires "antisémites". Le cas de la famille Klarsfeld illustre de manière tragique comment la poursuite d'une cause noble peut, si l'on n'y prend garde, dégénérer en obsession maladive et déboucher sur la justification la plus délirante de quelques-uns des crimes majeurs de notre époque : terreur sioniste contre le peuple palestinien et terreur américaine à l'échelle mondiale.  Voir aussi nos pages sur le conflit palestino-israélien.
Fin 2005, Nicolas Sarkozy confie une mission de réflexion sur la colonisation au colonialiste israélien Arno Klarsfeld - un article du Réseau Voltaire.


La résistance internationale prend parfois une forme plus concrète, directement dirigée contre la machine de guerre. Ainsi, début mars 2003, Ulla Røder, une Danoise vivant en Ecosse pénètre dans une base militaire britannique et détruit un Tornado à coups de marteau. Avant elle, à Shannon (Irlande), Mary Kelly avait traité de la même manière un Boeing américain de transport de troupes. D'autres activistes mettent hors service divers véhicules militaires. Toujours à l'aéroport militaire de Shannon, ils rendent la piste inutilisable en y creusant des tranchées. L'effet produit est immédiat : les avions américains en route pour l'Irak ne peuvent plus y atterrir et doivent être détournés vers des bases allemandes. Et si les Allemands faisaient la même chose ?...

Ils ne le feront pas, malheureusement. Après le 9 avril et la "victoire" américaine à Bagdad, le mouvement pacifiste est un peu désemparé. En France, la provocation du Bétar a produit l'effet voulu. Les partis "de gauche", naïfs ou travaillés par le lobby sioniste, "dénoncent" les uns après les autres les prétendus "graves dérapages". La droite, son gouvernement et son président enfoncent le clou, cela va de soi. Si la résistance de l'armée irakienne s'était prolongée et si la guerre "officielle" avait duré, on aurait sans doute revu dans les rues de Paris les cortèges "pacifistes" pro-israéliens de 1991. Les succès américains ont-ils rendu la manoeuvre superflue ?

Pas tout à fait, sans doute, puisqu'au cours de la manifestation du 12 avril, le "service d'ordre" et la police font la chasse aux Irakiens de France et aux porteurs de slogans anti-Sharon, tandis que les organisateurs exigent "que l'ONU reprenne son rôle". En d'autres termes, ils demandent qu'une institution dont l'existence est devenue purement fictive, recommence son petit jeu virtuel interrompu par trois semaines de guerre, et qu'elle avalise a posteriori les crimes des agresseurs au lieu de les condamner. On ne saurait plus clairement saborder un mouvement pourtant si prometteur quelques semaines plus tôt.

La brusque renaissance du pacifisme en France a surpris ; sa disparition étonnera peut-être moins. Il est évident que les majorités écrasantes et les consensus nationaux ont toujours quelque chose de factice. Ils finissent très vite par éclater. Dans le cas de l'Irak, une unité assez large aurait pu subsister si l'on avait nettement montré, dès le début, que la ligne de partage passe entre le clan Bush-Blair-Sharon et le reste du monde, et que l'ONU ne peut "jouer son rôle" que si elle condamne et sanctionne les criminels de guerre. Un pacifisme qui ne se fonde pas là-dessus est à la merci de la première tentative de diversion des inconditionnels du sionisme et des pleurnichards de l'action "humanitaire". Si une nouvelle guerre américaine est déclenchée prochainement contre la Syrie et le Liban, il ne servira à rien d'aller manifester si ces principes élémentaires sont de nouveau passés sous silence ; les mêmes causes produisent les mêmes effets.


And the winner is... Volker Schlöndorff :

La cérémonie des Oscars, prévue pour le 23 mars 2003, est menacée. Trop de grands d'Hollywood s'opposent à la guerre et n'entendent pas rester muets ce soir-là. Les organisateurs, bellicistes pur sang, ne savent trop comment s'y prendre pour éviter le "scandale". Ne pas inviter les récalcitrants ? Pas possible, on risquerait de se retrouver seul avec Tom Cruise et Arnold Schwarzenegger. Leur interdire de parler ? Difficile à réaliser, à moins de placer deux flics derrière chaque vedette. Annuler tout simplement la soirée ?...

Le réalisateur allemand Volker Schlöndorff (Le Tambour) donne son avis : non, il ne faut pas renoncer aux Oscars. Et il ajoute qu'en 1943, dans Léningrad assiégée, Rostropovitch et d'autres artistes de renom avaient bien donné des concerts, malgré le danger, malgré la menace extérieure. Excellente comparaison, Herr Schlöndorff. Chacun sait en effet que Saddam, depuis plus de deux ans, soumet Los Angeles à un blocus impitoyable, et que des centaines de milliers d'habitants sont déjà morts de faim ou de froid ; d'autres ont succombé au typhus ou ont été déchiquetés par l'artillerie des nazis irakiens.  Hollywood, ville martyre et héroïque, saura résister. Tant que les stocks de champagne et de caviar* ne sont pas épuisés, tous les espoirs sont permis.  Vive la liberté ! Le terrorisme ne passera pas !...

* Nous avons écrit cette phrase sans vraiment réfléchir au fond du problème. En fait, plus aucun patriote US ne songerait sérieusement à consommer champagne ou caviar, deux produits hautement antiaméricains en provenance de pays hostiles à la liberté. Que pourrait-on mettre à la place : peut-être Pepsi-Cola et ketchup ?...

Finalement, les complices des fauteurs de guerre ne peuvent museler les opposants. La cérémonie des Oscars a lieu et Michael Moore, le réalisateur américain du film Bowling for Columbine, lance en public au tueur en série de la Maison Blanche : "Honte à vous, Monsieur Bush !..."

Michael Moore est poli. Les manifestants du monde entier, eux, sont plus directs et préfèrent scander : "Fuck You, Double U" ou "George Bush, salaud, le peuple aura ta peau"...

Soit dit en passant, quelques Oscars ont été oubliés : celui du meilleur court-métrage de propagande (pour la cassette Ben Laden avoue ses crimes - décembre 2001), du meilleur monologue surréaliste (pour le discours de Colin Powell à l'ONU le 5 février 2003), de la meilleure mise en scène (pour les attentats du 11 septembre 2001) et - last but not least - l'Oscar de la plus dangereuse perversion criminelle dans la catégorie des débiles mentaux (pour George W. Bush soi-même).


"Aide humanitaire" :

Comme en Yougoslavie, comme en Afghanistan, l'agression contre l'Irak s'accompagne d'une prétendue "aide humanitaire". En fait, les services de propagande du Pentagone n'ont redécouvert l'utilité de cette expression qu'après cinq jours de guerre, la résistance inattendue des Irakiens et l'hostilité persistante de l'opinion publique internationale contraignant les tueurs de Washington à modifier leur tactique. Qui pourrait en effet s'opposer à ce que le peuple irakien soit "sauvé" de la catastrophe qui le menace ?

Cette nouvelle façon de procéder offre plusieurs avantages : elle permet de faire oublier les causes réelles du désastre (embargo et invasion) ; elle rend plus "sympathique", plus "humaine", la présence des envahisseurs et détourne l'attention de leurs crimes ; elle suggère que la guerre est déjà gagnée et que la phase de "reconstruction" a commencé (plus la peine d'aller manifester puisque tout est fini) ; elle permet de se décharger sur les "alliés" d'un lourd fardeau économique (c'est eux qui paieront, à commencer par les Allemands, à qui leur refus d'obéissance a donné des remords et qui n'attendent que cette occasion pour se racheter). Si la capitulation irakienne devait tarder, on pourrait accuser Saddam Hussein d'affamer son peuple et il serait plus facile - espère-t-on - de diviser le mouvement pacifiste.

C'est d'ailleurs là que réside la différence principale entre le scénario yougoslave et le scénario irakien. L'argument moral et caritatif, essentiel aux yeux de beaucoup d'Européens, a été totalement négligé dans le cas de l'Irak. Résultat : les foules qui réclamaient la tête de Milosevic il y a quatre ans, "pour mettre fin aux exactions serbes et à la catastrophe humanitaire", semblent maintenant "rouler pour Saddam", ou du moins elles évitent de trop le critiquer pour ne pas faire le jeu des bellicistes. La nouvelle tactique anglo-américaine a pour but de mettre fin à ce paradoxe.

Plus encore que pour Chirac, l'irruption de l'humanitaire est une bénédiction pour le chancelier Schröder : elle lui permet de justifier après coup son cours ambigu et attentiste, et de mettre fin à son isolement politique. Depuis 1990, l'humanitaire a toujours été la feuille de vigne cachant l'interventionnisme renaissant de l'Allemagne. Entre-temps, et sans trop attirer l'attention, Berlin a positionné ses soldats ou ses "gendarmes" dans quatorze pays - toujours avec l'accord de Washington. L'Irak pourrait être le quinzième.

A l'ONU, Kofi "Oncle Tom" Annan est lui aussi trop heureux de saisir la perche de "l'aide alimentaire" que lui tendent les massacreurs et destructeurs de l'Irak. Le très servile et très dévoué boy de la Maison Blanche va pouvoir se lancer à fond dans la gestion des bonnes oeuvres de l'impérialisme. Pas de danger qu'il réclame une quelconque condamnation des agresseurs. Au contraire, une semaine après le début de l'invasion, il laisse passer sans broncher une nouvelle résolution du Conseil de Sécurité (1472), dans laquelle les "puissances occupantes" (sic) annoncent leur intention de reprendre le programme pétrole contre nourriture, sans même demander l'avis de l'Irak. On fait comme si la guerre était déjà gagnée et comme si le gouvernement irakien n'existait plus.

Le 29 mars 2003, à Bassorah, pour illustrer ce qu'ils entendent vraiment par "aide humanitaire", les barbares britanniques détruisent 75.000 tonnes de nourriture, dont du lait pour enfants.

US Army et aide humanitaire - source : www.ptb.be


Vive la "liberté" :

Le 9 avril 2003, l'entrée des troupes US à Bagdad et l'effondrement du pouvoir d'Etat irakien permettent à la "liberté" telle que la conçoivent les Américains, de s'épanouir partout. Les pillards s'en donnent à coeur joie. Protégés par la passivité des occupants, ils pénètrent dans les bâtiments publics détruits ou abandonnés, et emportent tout ce qu'ils peuvent emporter. En toute impunité, ils s'en prennent aussi aux ambassades étrangères, aux locaux de l'UNICEF, aux banques, aux musées (voir plus haut) et même aux hôpitaux. Les stocks de "l'aide humanitaire" constituent un butin de choix et prennent en priorité la direction du marché noir - pensons-y avant de donner notre obole lors de la prochaine collecte...  Les télévisions ne montrent qu'une toute petite partie de ces pillages.

Avec l'ouverture des prisons et la libération des criminels de droit commun (tous métamorphosés en "prisonniers politiques"), les pillards reçoivent des renforts. Mais il ne reste bientôt plus grand-chose à piller "pour se venger de vingt-cinq ans de dictature" (comme dit notre presse). On s'en prend donc aux commerces, aux habitations privées, aux appartements vides ou non, d'abord la nuit, puis en plein jour. Par la grâce des envahisseurs, Bagdad devient la capitale du banditisme.

Lire ici comment les Américains ont encouragé le pillage.

Robert Fisk a été témoin de l'incendie de la Bibliothèque nationale.

La situation est semblable dans les villes du sud ou du centre. A Nadjaf, une partie de la racaille est regroupée dans une milice pseudo-politique soutenue par les forces d'invasion, l'ICNU ("Coalition irakienne pour l'unité nationale"). Sa spécialité est le racket et la "réquisition" de voitures particulières. Quiconque s'oppose aux pillages est livré aux Américains comme "terroriste", quand il n'est pas tout simplement assassiné.

On imagine que la haine des habitants pour la soldatesque américaine n'en est que plus grande, mais les médias se gardent d'en parler (à l'exception de courtes allusions, comme par exemple sur France 2, le 11 avril). On préfère continuer de nous servir la fable de la "foule en liesse" et de "l'accueil chaleureux". C'est évidemment moins risquant pour un reporter que d'enquêter sur la résistance qui persiste.

Car si les Américains ne font plus face à une riposte organisée des combattants irakiens, les actes individuels ou émanant de petits groupes n'ont pas cessé pour autant. Les mercenaires US continuent de subir des pertes et de tirer sur tout ce qui bouge. Le 14 avril, à Mahmudiya, un patriote irakien lance une grenade sur un groupe de mercenaires : il y a 16 blessés (et soi-disant aucun mort). Le lendemain, à Mossoul, les Américains tirent sur des manifestants et tuent 10 personnes.

Les premiers collabos du futur régime d'occupation sont très vite sur place. Et ils sont reçus comme il se doit : dès le 10 avril, le dirigeant chiite Abdoul Madjid Al-Khoei, à peine "parachuté" de Londres où il vivait en exil, se fait liquider à Nadjaf, dans la mosquée de l'imam Ali, celle-là même que les fidèles avait protégée de la profanation américaine moins d'une semaine plus tôt. L'ex-général irakien Nizar Al-Khazaraji et un agent américain des "forces spéciales" chargé de le "protéger" auraient également été éliminés à cette occasion.

Ahmed Chalabi, un autre laquais des agresseurs, est encore en vie. Chef du soi-disant "Congrès national irakien", ce gangster condamné en Jordanie à 22 ans de prison pour escroquerie et faillite frauduleuse est le chouchou du massacreur en chef Rumsfeld et de son adjoint israélo-américain Wolfowitz.

Le 15 avril, les envahisseurs organisent à Our une conférence de fantoches irakiens, tandis que la population locale proteste dans la ville voisine de Nassiriya aux cris de "Oui à l'islam, non à l'Amérique". Il y a 20.000 manifestants, mais contrairement aux "explosions de joie" de Bagdad la semaine précédente (150 figurants), la télévision ne s'intéresse pas à l'événement. Les militaires chassent les quelques photographes qui sont sur les lieux.

Trois jours plus tard, des manifestations antiaméricaines animées par les forces religieuses (chiites et sunnites) ont lieu dans diverses villes du pays. A Bagdad, des dizaines de milliers d'Irakiens se rassemblent après la prière du vendredi et réclament le départ des occupants. Là aussi, la télévision ferme les yeux et se bouche les oreilles.



Saddam Hussein le dictateur :

Depuis des années, on nous raconte que l'Irak est une abominable dictature et qu'il faut renverser ce régime. Saddam opprime les minorités kurdes et chiites et n'a pas hésité, pendant la guerre contre l'Iran, à gazer la population de Halabja. Les Américains veulent libérer l'Irak et lui apporter la démocratie.

Bien sûr, chacun sait qu'en réalité, les Etats-Unis veulent s'approprier le pétrole irakien et étendre leur domination dans la région, et que pour y parvenir, ils massacrent la population civile. Mais n'est-il pas néanmoins justifié de "réclamer le départ du dictateur" ?

  • Le régime de Saddam Hussein n'est ni plus ni moins dictatorial que les régimes d'une bonne centaine de pays sur les 190 représentés aux Nations-Unies. A commencer par la plupart des Etats arabes, qu'il s'agisse de monarchies absolutistes quasi-féodales (Arabie Saoudite, Koweït, Qatar...), de monarchies constitutionnelles (Jordanie, Maroc...) ou de républiques parlementaires (Tunisie, Egypte...) Beaucoup d'autres Etats du monde sont à ranger dans cette catégorie. Le fait qu'un pays organise régulièrement des élections ne constitue nullement un critère de démocratie. Les Etats les plus totalitaires ne suppriment pas les consultations électorales, même si aucun d'entre eux ne fait élire son président avec 100 % des voix comme Saddam. Alors, s'il fallait faire la guerre à toutes les dictatures, à tous les régimes qui emprisonnent, torturent et tuent, peu de pays y échapperaient.

  • Bien des Etats présentés comme des modèles de démocratie et de liberté sont en réalité des régimes autoritaires où tout n'est que façade. Un pays qui détruit et colonise systématiquement le territoire d'un autre peuple (Israël) ou qui prêche et pratique la guerre perpétuelle (USA, Royaume-Uni) est moins que quiconque habilité à donner aux autres des leçons de démocratie.

  • La dictature de Saddam Hussein n'est pas pire en 2003 qu'elle ne l'était entre 1980 et 1988, lorsque le gouvernement américain se servait de l'Irak, son allié, pour faire la guerre à l'Iran des ayatollahs. D'ailleurs, les USA soutiennent ou ont soutenu la quasi-totalité des régimes dictatoriaux de la planète.

  • Il n'est pas prouvé que le massacre de Halabja soit à mettre au compte de Saddam Hussein. Il est fort possible que ce soit l'armée iranienne qui ait lancé cette attaque aux gaz ; la chose est arrivée plus d'une fois pendant la guerre irako-iranienne. C'est ce que laisse entendre un ancien collaborateur de la CIA, Stephen C. Pelletiere, dans un article du New York Times du 31 janvier 2003 - détails.

  • Les chiites (les "protestants" de l'islam) ne sont pas une minorité en Irak. Au contraire, ils représentent deux tiers de la population musulmane (laquelle constitue 95 % des habitants). Si certains d'entre eux sont en butte aux persécutions du pouvoir, c'est davantage pour des raisons politiques (par exemple collaboration avec l'Iran, opposition au parti Baas) que pour des motifs religieux. L'Irak est un Etat laïque, même si l'islam y est souvent invoqué de manière très générale pour cimenter l'unité nationale. Les Irakiens chiites étant plus nombreux que les sunnites (les "orthodoxes" de l'islam) ou que les chrétiens (comme le vice-premier ministre Tarik Aziz), il est évident que la plupart des victimes de la barbarie américaine appartiennent à cette confession, que ce soit dans le sud du pays, dans la capitale ou ailleurs. Les civils massacrés les 26 et 28 mars à Bagdad étaient presque tous chiites, tout comme Ali Al-Nomani, l'auteur de l'attentat-suicide du 29 mars (voir plus haut).

  • Les Kurdes, qui vivent dans le nord de l'Irak, représentent environ 15 % de la population totale. Depuis la guerre du Golfe de 1991, ils sont soustraits à l'influence du pouvoir central (région autonome plus ou moins contrôlée par les Etats-Unis et la Turquie). Lorsqu'ils étaient soumis au régime de Bagdad, les Kurdes irakiens n'étaient pas plus opprimés que leurs compatriotes d'Iran, de Syrie ou surtout de Turquie.

    Voir ici la carte des zones de peuplement kurde (source : Le Monde Diplomatique).

    Lire également cet article de Mohammed Hassan : Les USA face à un problème quasi-insoluble en Irak. L'auteur remet en question quelques idées reçues sur les prétendues divisions ethniques et religieuses dans ce pays. Il donne aussi des détails intéressants sur le nationalisme pan-arabe et sur la situation politique des Etats de la région.

  • Le fait qu'un régime qui ne menace aucun pays étranger soit perçu comme une dictature, ne donne à personne - sauf à ses propres habitants - le droit de le renverser par la violence. La Charte des Nations-Unies et le droit international s'y opposent - mais il est vrai que ni l'une ni l'autre n'ont plus cours en 2003.

  • S'il fallait, avant de soutenir un petit pays sauvagement agressé par un autre 500 fois plus puissant, analyser d'abord en détail la structure politique de ses institutions, on ne soutiendrait jamais personne. En fait, aucun régime au monde n'est digne d'être cité en exemple ni d'être défendu pour ce qu'il est. Il ne s'agit pas ici d'appuyer un système politique, mais de préserver d'élémentaires valeurs humaines. L'intense propagande à laquelle nous sommes soumis en permanence depuis des années ne doit pas nous faire oublier que ce n'est pas Saddam Hussein qui assassine les Irakiens, mais les gouvernements de Washington et de Londres. Réclamer la "chute du régime irakien" tandis que Bush met le pays à feu et à sang, c'est se placer du côté des agresseurs. S'il faut réclamer la fin d'un régime, que ce soit la fin du régime criminel et illégal de Washington. Le pays qu'il faut démocratiser en priorité pour l'empêcher de menacer plus longtemps l'ensemble de la planète, ce sont les Etats-Unis et non pas l'Irak.

  • Enfin, il n'est pas certain que la majorité des Irakiens veuille vraiment se débarrasser de Saddam. Vue de l'intérieur, une dictature est souvent plus "vivable" qu'on ne le croit à l'étranger. On s'arrange toujours d'une manière ou d'une autre, ou on approuve tout simplement l'action du régime - aussi douloureux que cela puisse paraître aux yeux des opposants exilés. On pourrait citer de nombreux exemples historiques : les Sarrois acceptant massivement le rattachement de leur province à l'Allemagne nazie en 1935, les dizaines de millions de Soviétiques pleurant la mort de Staline en 1953, les républicains espagnols en exil découragés par la passivité de leurs compatriotes de l'intérieur dans les années 1960, les exilés iraniens des années 1980 surpris de voir l'ampleur du soutien apporté au fondamentalisme, etc... On pourrait surtout citer des exemples actuels : Arabie Saoudite, Jordanie, Egypte, Maroc, etc... L'apolitisme, l'opportunisme et le désir de vivre en paix jouent certainement un rôle très important. L'attachement à son pays lorsque celui-ci est attaqué par un ennemi brutal et impitoyable, également. Il faut être aussi stupide que les fanatiques du Pentagone, qui croient leurs propres mensonges, pour penser que les crimes de guerre commis depuis le 20 mars peuvent susciter la sympathie de la population irakienne... Ce qui ne signifie pas, bien sûr, qu'une fois le pays conquis, on ne puisse trouver suffisamment de collaborateurs prêts à servir les nouveaux maîtres. Avec une poignée de dollars, on dénichera toujours et partout des Karzaï et des Djindjic.




L'IRAK DE 1917 À 2003

  • 1917-19 : A la fin de la Première Guerre mondiale, les Britanniques s'emparent de l'Irak, prenant la relève de l'Empire ottoman, maître des lieux depuis quatre siècles. Sous le régime turc, il n'existait pas à proprement parler de province irakienne, mais trois régions : Bagdad, Mossoul et Bassorah (cette dernière englobait le Koweït). Londres regroupera ces trois régions, mais en excluant le Koweït. La région de Mossoul, au nord, aurait dû constituer le noyau d'un futur Etat kurde, ainsi que le prévoyait le traité de Sèvres. Cependant, l'Angleterre et la Turquie de Kemal Atatürk s'opposeront avec succès à la création de ce nouvel Etat. Dans les années suivantes, les Britanniques (avec Winston Churchill) réprimeront brutalement une insurrection kurde conduite par Mahmoud Barzendji, utilisant même des gaz de combat à Souleimaniye. (Contrairement au crime reproché plus tard à Saddam Hussein à Halabja - voir un peu plus haut -, la paternité de crime de Souleimaniye est avérée.)

  • 1920 : La Grande-Bretagne reçoit de la Société des Nations (prédécesseur des Nations Unies) le "mandat" d'administrer l'Irak. Le pétrole irakien est partagé entre les grandes compagnies étrangères : Standard Oil (qui deviendra Esso/Exxon), Royal Dutch-Shell, Anglo-Persian Oil (deviendra BP) et la Compagnie française des pétroles (CFP, deviendra Total). Elles formeront plus tard l'Iraq Petroleum Company (IPC). Un peu partout dans le pays, la population se soulève contre l'occupant anglais (le souvenir de ces combats est resté très vivace ; 83 ans plus tard, la nouvelle résistance irakienne les évoque fréquemment).

  • 1921 : La monarchie est proclamée ; les Britanniques placent une marionnette sur le trône (le fils d'un prince arabe de La Mecque).

  • 1925 : L'Irak devient "indépendant" mais reste toujours plus ou moins sous "protectorat" anglais.

  • 1932 : Indépendance politique et administrative. Economiquement parlant, l'Irak demeure dans le giron anglais.

  • 1939-45 : Pendant la Seconde Guerre mondiale, l'Irak reste sous influence britannique. En 1941, Rachid Ali Gaylani tente d'instaurer un régime pro-nazi à Bagdad, mais l'entreprise échoue ; des troupes anglaises investissent le pays. Un peu plus tard, l'Irak déclare la guerre à l'Allemagne et à ses alliés. Après 1945, les Etats-Unis commencent à supplanter le Royaume-Uni en Irak.

  • 1946 : Fondation en Syrie du parti Baas (pan-arabe et socialiste). Son objectif est d'établir l'unité du monde arabe sur des bases laïques et progressistes. Il sera actif non seulement en Syrie mais aussi en Irak. Le pan-arabisme connaîtra également un très net succès en Egypte (révolution de Nasser - 1952), au Yémen et en Libye.

  • 1948-49 : Après la proclamation de l'Etat d'Israël, quelques troupes irakiennes participent à la première guerre israélo-arabe aux côtés des Palestiniens.

  • 1950-51 : Pour contraindre la population juive d'Irak à "retourner" en Israël, le Mossad pose des bombes dans les synagogues de Bagdad et accuse "les Arabes" d'avoir perpétré ces crimes. Les terroristes de Tel Aviv utiliseront le même "stratagème" en Egypte quelques années plus tard.

  • 1955 : Les Etats-Unis créent le Cento ou Pacte de Bagdad, une alliance antisoviétique regroupant leurs satellites de la région (un peu l'OTAN du Moyen-Orient).

  • 1958 : Le 14 juillet, une révolution conduite par le général Kassem (et soutenue par le parti communiste local) renverse la monarchie.

  • 1959 : Face à l'hostilité des pays occidentaux, l'Irak commence à se tourner vers l'URSS pour diversifier ses relations économiques. On entend pour la première fois parler de Saddam Hussein (il a 22 ans) : pour le compte du parti Baas, il tente d'assassiner Kassem, mais échoue. Il doit s'enfuir en Syrie avec la plupart des dirigeants baasistes.

  • 1962 : Avec la fin de la guerre d'Algérie, les relations entre l'Irak et la France s'améliorent.

  • 1963 : La branche irakienne du parti Baas prend le pouvoir à Bagdad après un putsch sanglant qui coûte la vie à Kassem et à de nombreux communistes. Quelques mois plus tard, un nouveau coup de force militaire porte le colonel Aref au pouvoir et contraint le parti Baas à la clandestinité. Le général baasiste Hassan Al-Bakr est épargné et deviendra un peu plus tard président de la république.

  • 1967 : Après la guerre des six jours, et suite à l'embargo mis par le général de Gaulle sur les livraisons d'armes à Israël, les relations commerciales entre l'Irak et la France se développent favorablement. La CFP puis Elf-Erap obtiennent de nouvelles concessions parallèlement à celles de l'IPC. Les Soviétiques, de leur côté, signent un contrat avec l'Irak pour l'exploitation des gisements de Roumeila.

  • 1968 : Grâce à Al-Bakr, le parti Baas revient au pouvoir ; peu à peu, il élimine tous ses concurrents potentiels : officiers et fonctionnaires issus de la révolution de 1958, militants communistes accusés de comploter, etc... Curieusement, le fait que leurs "camarades" soient pourchassés, emprisonnés ou assassinés par le régime irakien, n'empêche pas les dirigeants soviétiques de forcer la coopération avec Bagdad, avant tout pour des raisons stratégiques. En Egypte et en Syrie, à la même époque, le scénario est à peu près le même.  L'objectif évident du parti Baas dans les années suivantes est d'utiliser toutes les possibilités d'alliances extérieures qui s'offrent à lui, tout en restant le maître absolu à l'intérieur. Petit à petit, l'influence anglo-américaine recule dans le pays.

  • 1972 : Mécontents de la tournure prise par les événements et craignant pour leurs privilèges, les Anglo-Américains décident de ralentir la production pétrolière, provoquant ainsi une crise qui, espèrent-ils, mettra au pas le gouvernement irakien. Mais celui-ci réagit de manière inattendue : il nationalise l'IPC. Saddam Hussein est alors vice-président.

  • 1973-78 : Maintenant que les recettes pétrolières demeurent à la disposition du pays, l'Irak peut lancer un vaste programme d'industrialisation et de modernisation. Les richesses nationales ne sont plus dilapidées à l'étranger mais profitent aux Irakiens. En quelques années, le pays connaît un essor sans précédent. L'analphabétisme est éradiqué (il reviendra plus tard), les bugdets d'éducation nationale et de santé grimpent en flèche. La maîtrise du prix de vente du pétrole brut dans le cadre de l'OPEP facilite la mise en oeuvre de cette politique de développement.

  • 1979 : Saddam Hussein établit son pouvoir personnel. Il est à la fois secrétaire général du parti Baas, président de l'Irak, chef suprême des forces armées et président du Conseil de la Révolution. D'un bout à l'autre du pays, on ne voit plus que des portraits et des statues de Saddam, des avenues Saddam, des ponts Saddam, des hôpitaux Saddam, des lycées Saddam, des stades Saddam, des casernes Saddam, sans oublier Saddam City et l'aéroport Saddam...
    Les pays occidentaux observent en souriant. Américains et Européens ont profité du boom irakien des années 70. Ils ont fourni au pays tous les équipements dont il avait besoin, y compris dans les secteurs de l'armement et de l'industrie nucléaire. Personne, à l'époque, ne déplore que l'Irak soit une dictature. Personne ne conteste la "nécessité", pour un pays regorgeant de pétrole, de se doter de coûteuses centrales nucléaires. Tais-toi et vends...  Les possibles - ou probables - utilisations militaires n'inquiètent personne (sauf Israël). L'Irak est un allié fiable, peu importe la nature de son régime. Ce principe vaut d'ailleurs pour beaucoup d'autres pays du monde.

  • 1981 : Attaque terroriste israélienne sur la centrale nucléaire d'Osirak, construite par la France. Il y a plusieurs morts, dont un technicien français.

  • 1980-88 : Guerre irako-iranienne. Les Américains, traumatisés par la révolution islamiste iranienne et la prise d'otages à l'ambassade américaine de Téhéran, préparent une revanche par personne interposée. C'est leur allié Saddam qu'ils ont choisi pour tirer les marrons du feu. Le prétexte est fourni par un différend frontalier dans la région du Chatt Al-Arab. La guerre que tout le monde annonçait courte et victorieuse pour l'Irak, dure huit ans et se termine par la quasi-défaite des deux belligérants. Des centaines de milliers de soldats et de civils meurent de part et d'autre, les deux pays sont au bord de la ruine. Les industries américaines d'armement, elles, font de bonnes affaires à la fois avec l'Irak et avec l'Iran. Et en 1988, les ayatollahs sont toujours au pouvoir à Téhéran.

  • 1990-91 : Le monde a bien changé entre-temps. Le bloc socialiste n'existe plus. Les Etats-Unis et leur président George Bush père vont tester une nouvelle stratégie et une nouvelle forme de "conflit". C'est pour Saddam Hussein le piège du Koweït qui permettra de déclencher la guerre du Golfe.

  • 1991-2002 : La première guerre de l'ère nouvelle est une réussite aux yeux des Américains. D'autres suivront. En Irak même, pour ne pas gâcher la victoire US et garder une porte ouverte sur l'avenir, on laisse Saddam Hussein en place. S'il n'était pas là, il faudrait l'inventer. Le pays vaincu est donc soumis à un impitoyable embargo en attendant que les temps soient mûrs pour finir le "travail". Les entreprises européennes, surtout françaises, s'efforcent de maintenir de bonnes relations économiques avec l'Irak, dans la mesure où le programme pétrole contre nourriture de l'ONU le permet. On espère une normalisation prochaine, même si les divers gouvernements ne font rien pour qu'elle se produise - la soumission aux volontés américaines est trop forte.

  • 2003 : Ce qui n'était pas possible douze ans plus tôt, l'est maintenant. Depuis le 11 septembre 2001, tout est permis.




I : L'agression annoncée     II : L'invasion     III : L'occupation    IV : La résistance    V : La guerre de libération ?


La guerre permanente
- Comment le dramaturge allemand Falk Richter voit la situation -





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